Un nouveau livre de Marty Cagan, c’est toujours un petit événement. Après les références Inspired et Empowered, le grand manitou du product management sort ce 12 mars Transformed. Le dernier volet de la trilogie explique aux dirigeant·e·s d’entreprise comment adopter le “Modèle Produit”. Interview divine.
⌛ 13 min de lecture au 7e ciel
✉️ Article issu du Ticket n°076
Ce que tu vas apprendre dans cet article sur Transformed de Marty Cagan :
– Ce que veulent dire Transfo produit et Modèle produit
– Le rapport entre transfo numérique et méthodologies agiles
– Pourquoi vouloir mener une transfo produit ?
– Comment appliquer ce livre en tant que Product Manager
Bonjour Marty. D’où vient l’idée de ce nouveau livre, Transformed ?
Marty Cagan : Il s’inscrit dans la lignée des précédents, Inspired et Empowered, qui traitaient respectivement des pratiques des meilleures équipes produit et leaders produit. Beaucoup de lecteurs et lectrices me disaient : j’ai lu ces ouvrages, je veux travailler de cette façon… mais je ne sais pas comment changer la façon dont fonctionne mon entreprise !
Pour mener cette transformation, je me suis rendu compte, en 20 ans de pratique, qu’il existe de nombreuses techniques. C’est tout l’objet de Transformed : réussir à adopter ces nouvelles méthodes dans son organisation.
On parle d’une transformation vers, ce que vous appelez en sous-titre du livre, le Product Operating Model. De quoi s’agit-il ?
Marty Cagan : Quand vous écrivez un livre sur la transformation, il faut être clair à la fois sur le point de départ et sur la destination. Nous savions donc qu’il nous fallait un nom pour décrire cette destination.
Jusqu’à présent, nous évitions de nommer ce concept. Nous parlions des pratiques des “meilleures entreprises”, notamment dans l’article The Best vs The Rest. Mais ce n’était pas très précis. On voulait aussi absolument éviter deux termes souvent utilisés.
Lesquels ?
Marty Cagan : Product-led Company ou Product driven company. Cela envoie en effet un message inexact, avec le produit qui serait au-dessus de tout le reste.
Pour éviter d’inventer un nouveau terme, on a donc regardé comment les entreprises avec lesquelles nous travaillons appelaient cela. Et certaines parlaient de Product Operating Model ou, plus simplement, de Modèle Produit.
“Les meilleures entreprises ont chacune leur propre culture et leurs propres méthodes. Malgré tout, elles ont toutes des principes similaires comme dénominateur commun.”
Marty Cagan
Qu’est-ce que ce Modèle Produit recouvre au juste ?
Marty Cagan : Cela comprend trois dimensions :
1) Comment est-ce que tu décides des problèmes que tu dois résoudre ? Il s’agit de la stratégie produit.
2) Comment est-ce que tu choisis de résoudre ces problèmes ? Il s’agit de la Discovery produit.
3) Comment est-ce que tu construis les solutions à ces problèmes ? Il s’agit de la Delivery produit.
La transformation d’une entreprise vers ce Modèle Produit doit aborder ces 3 aspects. Et, pour y arriver, les organisations ont nécessairement besoin de 4 compétences, parfois déjà présentes mais pas toujours sous cette dénomination :
- De vraies* Product Managers, responsables de la viabilité de ce qui est construit
- De vraies Product Designers, responsables de sa facilité d’utilisation
- De vraies Tech Lead, responsables de sa faisabilité
- Et un nouveau style de leadership produit
On aimait bien cette appellation de Product Operating Model car cela ne fait pas référence à un processus, mais à des principes. En effet, on ne pense pas qu’il n’y a qu’une seule bonne voie pour se transformer. Les meilleures entreprises que nous connaissons aujourd’hui ont chacune leur propre culture et leurs propres méthodes. Malgré tout, elles ont toutes des principes similaires comme dénominateur commun.
(* On ne sait pas si tu as remarqué mais King Marty parle toujours des PM au féminin dans ses écrits. “Parce que, quand des personnes embauchent en product management, ils imaginent un homme blanc dans leur esprit. L’emploi du pronom féminin a pour objectif de changer cette impression dans la tête des lecteurs” nous a-t-il avoué.)
Avez-vous des exemples de principes ?
Marty Cagan : Bien sûr, c’est le cœur du livre ! On liste 20 principes qui sont vraiment ce qui compte le plus selon moi. Par exemple, on parle de la culture de l’expérimentation.
Si vous croyez qu’il n’est pas nécessaire de mener des tests et, par extension, d’instrumenter vos équipes afin qu’elles puissent collecter des données à propos de ce qu’elles lancent sur le marché, vous ne serez pas en mesure de mettre en place un Modèle Produit. Autre principe évoqué : la réduction du gaspillage.
C’est-à-dire ?
Marty Cagan : Dans un Modèle Produit, il y a une chose que l’on veut absolument éviter : investir le temps des ingés, qui sont des personnes coûteuses, sur des sujets qui ne font pas l’affaire auprès des clients. Au produit, c’est notre travail de minimiser ce gaspillage.
Autre principe que j’adore : faire en sorte que les stratégies produit soient alimentées par des insights (NDLR : de la connaissance du marché). Autrement dit, se servir des données pour obtenir de véritables résultats commerciaux. On constate que les entreprises qui ne sont pas dans un Modèle Produit ne fonctionnent pas de cette façon.
#Transformation numérique et méthodologies agiles
On voit beaucoup d’entreprises qui mènent une transformation numérique en adoptant les méthodes agiles. Est-ce une voie qui mène au Modèle Produit ?
Marty Cagan : Si l’on se réfère aux trois dimensions évoquées précédemment (stratégie, discovery, delivery), on voit bien que l’agile ne concerne que la dernière, la conception du produit. Souvent, ces entreprises ne se rendent pas compte qu’elles doivent mener une transformation bien plus importante.
Elles conçoivent certes leurs produits plus rapidement mais elles fonctionnent toujours sous forme d’usine à fonctionnalités, avec des roadmaps pilotées par des parties prenantes et une gestion en mode projet. Généralement, elles travaillent avec des Product Owners et non des Product Managers. Or, ce n’est pas ce dont on a besoin dans un Modèle Produit.
Lors de la dernière édition de la conférence La Product Conf, à Paris, Melissa Perri a prédit la mort prochaine de Scrum. Quel est votre avis sur le sujet, à l’heure où l’on a l’impression que le produit est le nouvel agile aux yeux des grandes boîtes de consulting ?
Marty Cagan : La difficulté, c’est de savoir de quoi on parle. L’agilité telle qu’elle a été définie à l’origine ou telle qu’elle est détournée aujourd’hui ? C’est un vrai problème quand on voit, dans de nombreux pays, des personnes qui parlent d’agilité alors qu’il n’y a rien d’agile dans ce qu’ils évoquent.
Je pense notamment à SAFe. C’est l’abréviation de Scaled Agile Framework… mais ce n’est en aucun cas de l’agile. C’est du pur marketing ! Pourtant, les principes derrière l’agilité sont tout à fait raisonnables.
Lesquels précisément ?
Marty Cagan : Il y en a deux. Le premier est qu’il faut sortir des petites versions fréquemment. Il s’agit d’un bon principe qui fait d’ailleurs partie des vingt du livre. Notons qu’il n’est d’ailleurs pas obligatoire d’utiliser Scrum pour y arriver. Beaucoup des meilleures équipes du monde font du déploiement en continu depuis dix ans sans aucun processus agile. Mais tant mieux si Scrum peut vous aider à le faire.
Le deuxième principe, c’est la responsabilisation des équipes, afin qu’elles s’approprient leur travail et puissent avoir la main sur l’atteinte de leurs objectifs. Il est tout aussi vertueux.
Si l’on en reste à cette signification de Scrum, il sera toujours là dans dix ans. Mais si cela est à tel point dévoyé qu’il perd ce sens, alors oui, il disparaîtra. Mais, comme vous l’indiquez, ce n’est la faute de personne. Il s’agit juste de la façon dont le monde fonctionne.
C’est-à-dire ?
Marty Cagan : Notre industrie est truffée de personnes qui fournissent des conseils pour tirer profit des dernières tendances. Un mois, on parle d’agile parce qu’elles peuvent le vendre. Le mois suivant, de Lean Startup parce qu’elles peuvent le vendre. Le mois d’après, de produit parce qu’elles peuvent le vendre. Cela n’en fait pas de mauvaises personnes.
Pour moi, le vrai enjeu concerne surtout l’éducation des acheteurs. Si ces derniers ne savent pas ce qu’ils font, ils vont naturellement commettre des erreurs. En fait, la plupart des entreprises que nous rencontrons et qui veulent se transformer sont déjà passées par là au préalable. On leur avait “vendu” une transformation en leur expliquant : il suffit de passer à l’agile et tout ira pour le mieux !
#Pourquoi se transformer
Vous prêchez naturellement des personnes convaincues en vous adressant aux lectrices et lecteurs du Ticket. Mais, pour celles qui ne gravitent pas dans le monde du product management, quel est l’intérêt de mener une transformation vers ce Modèle Produit ?
Marty Cagan : Avant toute chose, j’aimerais rappeler aux gens que si leur entreprise fonctionne bien aujourd’hui et qu’elle fournit de bonnes solutions à ses clients, il n’est pas nécessaire de changer quoi que ce soit. Continuez !
Toutefois, les personnes avec lesquelles nous échangeons nous expliquent qu’elles souhaitent se transformer pour 3 raisons principales :
1) La menace concurrentielle
Il s’agit de la raison la plus fréquente. Elles découvrent de nouveaux concurrents sérieux qui commencent à leur prendre des clients. Elles voient cette transformation comme une nécessité pour continuer à réussir.
2) L’attractivité financière des meilleures entreprises
Les conseils d’administration et dirigeant·e·s d’entreprise sont bien au fait des entreprises les mieux valorisées au monde, telles Apple, Amazon, Google, Netflix… et aimeraient bien disposer d’une valorisation comparable ! Sauf qu’on leur dit : oui, mais ces entreprises innovent constamment. Vous, quand avez-vous innové pour la dernière fois ?
Il s’agit d’un bon moteur. Regardez l’exemple d’Adobe. La valorisation de l’entreprise a été multipliée par 20 depuis sa transformation. Idem pour Microsoft, qui avait un bon Modèle Produit quand Bill Gates était à sa tête. Puis, ils se sont égarés quand un responsable des ventes a pris le relais (NDLR : prends ça Steve Ballmer). Aujourd’hui, ils ont à nouveau un vrai visionnaire produit à sa tête (Satya Nadella) et leurs résultats sont impressionnants.
3) La frustration des responsables financiers devant le faible retour sur investissement de leur tech
Ces personnes ne comprennent pas pourquoi elles investissent autant pour avoir si peu de retours derrière.
Je pense notamment à de grandes institutions financières (banques, assurances…) qui n’ont jamais été très douées en technologie. Certes, ce sont des industries relativement protégées et les gouvernements ne les laisseront jamais faire faillite.
Malgré tout, je suis personnellement très reconnaissant envers un acteur qui a permis à ce secteur de prendre conscience qu’il fallait mieux s’occuper de ses clients : Stripe ! Cette entreprise leur a démontré l’importance d’acquérir les 4 compétences dont je parlais, faute de quoi, elles allaient se faire disrupter.
“Le Modèle Produit est focalisé sur le temps de monétisation (Time-to-money) plutôt que sur le temps de commercialisation (Time-to-market)”
Marty Cagan
Et que peut-on espérer concrètement de cette transformation vers un Modèle Produit ?
Marty Cagan : Tout simplement d’atteindre ses résultats commerciaux (business outcomes). Le Modèle Produit est focalisé sur le temps de monétisation (Time-to-money) plutôt que sur le temps de commercialisation (Time-to-market), comme l’ancien modèle. Dit autrement : on se concentre plus sur des résultats que sur une échéance. Il s’agit donc d’une vision complètement différente.
Est-on concerné quand on travaille dans une boîte dont la tech n’est pas le cœur du business ? Dit autrement : ce Modèle Produit concerne-t-il aussi les entreprises non technologiques ?
Marty Cagan : On me pose souvent cette question. Sous-entendu, je viens de la Silicon Valley donc je m’adresse uniquement aux entreprises tech.
Sauf que la plupart des entreprises dont nous parlons ne vendent pas de la technologie (ou pas que cela) ! Netflix vend du divertissement. Google vend de la publicité. Amazon est un détaillant. Tesla est un constructeur automobile. Leur différence ? Elles utilisent la technologie pour enrichir (powered) leurs expériences.
Le Modèle Produit s’adresse aux entreprises qui pensent que, quel que soit leur produit, numérique ou non, il doit être enrichi par la technologie.
#L’application de ce livre en tant que Product Manager
Inspired concerne les équipes produit, Empowered, les leaders produit… Est-ce qu’on se trompe si on dit que Transformed s’adresse plus aux CEO et aux dirigeant·e·s ?
Marty Cagan : C’est l’idée en effet. Inspired et Empowered ont été écrits pour les personnes qui font du produit tous les jours tandis que Transformed parle aux personnes qui dirigent l’entreprise ou qui influencent son fonctionnement.
Une transformation n’est en effet pas quelque chose qui se décide à l’échelle des Product Managers voire des Product Leaders. Il s’agit d’une orientation stratégique globale. On ne trouvera donc pas dans ce livre, par exemple, une description sur la manière de faire de la Product Discovery. Mais on verra plutôt une explication de son importance et de la façon dont elle doit s’intégrer dans une entreprise.
Sur le « Syndrome Marty Cagan » : « C’est ce que nous disons depuis toujours : l’immense majorité des entreprises ne travaillent pas de la manière qui est recommandée dans nos écrits »
Marty Cagan
Dès lors, que peuvent faire les personnes du produit qui vont lire ce livre pour le mettre en application concrètement dans leur boîte ?
Marty Cagan : Nous espérons déjà qu’elles donneront un exemplaire à leur PDG ! Après, même avec des dirigeant·e·s qui ne savent pas de quoi il s’agit voire qui ne savent pas que cela existe, il est possible de faire des choses à son échelle. J’irai même plus loin : vous devriez les faire car, au minimum, cela vous permettra d’augmenter votre valeur pour votre entreprise actuelle… ou future si vous bougez ! Ces compétences sont toujours bonnes à développer à titre individuel.
Ainsi, si vous êtes Product Owner et que vous vous transformez en Product Manager -un grand saut soit dit en passant- vous connaîtrez mieux vos clients, maîtriserez mieux les données et comprendrez mieux les enjeux de votre entreprise. Et qui pourra vous reprocher : “Non, nous ne voulons pas que tu connaisses ces informations” !
Ces nouvelles compétences permettent de proposer de meilleures solutions pour les produits que l’on vous demande de concevoir. Au lieu de construire exactement la fonctionnalité décrite par quelqu’un, vous allez en bâtir une qui résout vraiment le problème sous-jacent et qui aura un vrai résultat commercial. Je ne connais pas une seule entreprise dans le monde qui ne sera pas reconnaissante pour cela.
On s’entend, vous n’avez pas besoin de changer la stratégie de l’entreprise pour y arriver ! Donc, en résumé, vous ne pouvez pas tout faire à votre niveau mais vous avez le droit d’essayer de passer au niveau supérieur individuellement.
On ne sait pas si vous avez déjà entendu cette expression mais, du moins en France, certaines personnes parlent du “syndrome Marty Cagan”, en évoquant des Product Managers qui ont lu vos livres mais qui déchantent une fois en poste, en voyant l’écart entre cet idéal et la réalité. Que pensez-vous de ce problème ?
Marty Cagan : Oui, c’est vrai, je l’ai déjà vu ailleurs qu’en France. Il faut bien voir que c’est ce que nous disons depuis toujours : l’immense majorité des entreprises ne travaillent pas de la manière qui est recommandée dans nos écrits ! C’est pourquoi nous parlons des meilleures entreprises et du reste.
Notre raison d’être est d’essayer d’aider les entreprises qui veulent changer à travailler de cette manière. Nous aimerions évidemment que plus de gens travaillent de cette façon mais la plupart ne le font pas. C’est la réalité.
Vous savez, l’un de mes articles qui a connu le plus de succès au cours des dix dernières années est Product vs Feature Teams, dans lequel je parle exactement de cette différence dont vous parlez. La plupart des gens qui m’en ont parlé ne rêvaient que de travailler dans une Product Team. Là n’est pas le sujet. Le véritable enjeu, c’est de savoir si tu te sens victime ou non.
Comment ça ?
Marty Cagan : Beaucoup de personnes se retrouvent dans des usines à fonctionnalités avec des responsables qui ne savent rien faire d’autre. Elles ne pensaient pas avoir signé pour cela et ne sont pas heureuses. Évidemment, ce serait plus agréable d’avoir des leaders inspirants. Tout le monde le souhaite.
Mais est-ce pour autant qu’il faut en rester là et se dire “C’est la vie” (NDLR : en français dans le texte) ? Ce que je leur dis, c’est qu’il y a toujours des choses à faire. Alors, bien entendu, il faut le vouloir. Je ne forcerai jamais personne à faire quelque chose qu’elle ne veut pas faire.
Mais pour celles qui ont vraiment envie d’améliorer leur situation, je leur donne les mêmes conseils qu’évoqués précédemment : commencez par augmenter vos compétences personnelles puis occupez-vous ensuite de votre équipe. Donnez un avant-goût au reste de l’entreprise de ce que vous êtes capable de faire.
Et, au pire, vous aurez développé de merveilleuses nouvelles compétences qui, je vous le promets, vous aideront tout au long de votre carrière. Il est aussi possible que votre organisation trouve que vous faites de très bonnes choses et vous demande d’aller plus loin. C’est généralement comme ça que débutent les transformations par la base.
Ce n’est pas le produit qui évolue, c’est la façon de penser des gens. C’est le nombre de personnes pour qui ce sont les résultats (outcomes) qui comptent, et non la livraison de fonctionnalités (outputs
Marty Cagan
À l’inverse, pour balayer aussi devant notre porte au produit, on entend de nombreuses personnes extérieures au monde du produit qui trouvent que des Product Managers peuvent s’enfermer dans leur tour d’ivoire avec leurs principes rigides et leur jargon…
Marty Cagan : Oui, c’est aussi un problème que j’ai constaté un peu partout dans le monde, l’idéalisme des Product Managers qui ignorent le monde réel et le reste de l’entreprise. Honnêtement, j’ai plus souvent vu des organisations avec des leaders qui refusaient aux équipes produit de pleinement exprimer leur potentiel. Qu’importe, dans tous les cas, il s’agit de deux problèmes opposés mais bien réels.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous ne voulions pas parler d’entreprise Product-led ou Product-driven.
Car cela aurait pu vite dériver en “Product Manager driven”…
Marty Cagan : Exactement. Et ce n’est pas comme cela que fonctionne une bonne entreprise. En tant que Product Manager, notre travail est de trouver des solutions que nos clients aiment, mais aussi qui fonctionnent pour notre entreprise. Ce qui veut dire que cela ne peut marcher qu’avec une saine collaboration entre le produit et les parties prenantes. Si l’un ou l’autre veut tout contrôler, ça ne le fera pas.
Transformed est-il le dernier volet de la trilogie ou envisagez-vous un 4e volet ?
Marty Cagan : Nous avions en effet envisagé cette série de la sorte. Toutefois, j’aimerais bien réaliser une troisième édition d’Inspired. Je l’ai écrit en effet avant la pandémie, dans un contexte où tout le monde travaillait ensemble physiquement. Sauf qu’aujourd’hui, beaucoup d’équipes sont réparties dans le monde entier. Je souhaite donc faire une mise à jour pour aborder ce type de fonctionnement.
Cela fait plus de 20 ans que vous travaillez maintenant dans ce domaine. Quelle est votre vision sur l’évolution du Product Management ces dernières années ?
Marty Cagan : Outre l’émergence de l’IA générative qui m’inspire beaucoup d’espoir et d’inquiétude, je dirais que l’évolution du produit tient surtout aux deux mondes dont nous avons parlé : la façon dont les meilleures équipes font du produit et les autres.
Avec mes partenaires, nous essayons d’amener davantage d’entreprises à passer de l’ancienne à la nouvelle façon de faire. Mais il faut bien voir que les principes en soi n’ont pas changé depuis de nombreuses années.
Ce n’est pas le produit qui évolue, c’est la façon de penser des gens. C’est le nombre de personnes pour qui ce sont les résultats (outcomes) qui comptent, et non la livraison de fonctionnalités (outputs). C’est ce qui fera la vraie différence au cours des prochaines années.
Je vais en avril à Paris, pour un workshop avec Thiga, et j’espère qu’il y aura de plus en plus d’entreprises intéressées à travailler comme cela.
Vous êtes confiant ?
Marty Cagan : Vous savez, pendant longtemps, j’ai constaté qu’en France les entreprises n’étaient pas du genre à vouloir changer. Nous verrons bien, mais j’ai l’impression que les gens sont plus ouverts au changement désormais.
Même s’il y a encore beaucoup d’organisations qui restent dans l’ancienne méthode. Regardez le nombre d’entreprises françaises qui adoptent SAFe, alors qu’elles devraient faire exactement le contraire. D’ailleurs, je fais toujours remarquer à leurs responsables : Cela ne vous inquiète pas qu’aucune entreprise que vous admirez n’utilise SAFe ?
Pour aller plus loin avec Marty Cagan :
Retrouve toutes nos interviews avec des légendes du produit dans cette section au sommet
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