En juillet dernier, la solution française d’analytics produit June, créée en 2021, a annoncé son acquisition par son équivalent américain Amplitude. Enzo Avigo, son co-fondateur et ex Product Manager de N26, Zalando ou Intercom, revient sur les raisons de cette décision. En toute transparence.

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Bonjour Enzo. Est-ce que cela faisait longtemps que vous cherchiez à vendre June ?

Enzo Avigo : Pas vraiment. Avec mon associé, nous n’avions jamais vu la vente de June comme une possibilité. Quand on s’est lancé, notre ambition, c’était d’avoir le maximum d’impact possible. Changer le quotidien de dizaines voire de centaines de milliers d’utilisateurs.

Pour l’anecdote, on avait d’ailleurs acheté une bouteille de champagne sur laquelle on avait inscrit “Ne pas ouvrir avant de sonner la cloche à Wall Street” !

On n’envisageait tellement pas cette possibilité qu’on ne parlait jamais avec des départements de “corp dev” (NDLR : qui gèrent les acquisitions dans les boîtes tech) strategy, afin de ne pas perdre notre focus. C’est une des choses qu’on nous avait dit à Y Combinator : si vous ne voulez pas vendre, ne parlez pas à ces gens car ils peuvent vous prendre beaucoup de temps.

Comment en êtes-vous alors arrivés à discuter d’une vente ?

Enzo Avigo : Tout a basculé le jour où l’on s’est fait approcher par un fonds de private equity, en mars dernier. Ils voulaient racheter June pour faire ce que l’on appelle un “build-up”, c’est-à-dire assembler plusieurs petites boîtes ensemble pour créer un conglomérat de solutions.

Ce qui était hyper atypique car on restait petit, on était à moins de 2 M€ de revenus annuels récurrents (ARR) pour 8 personnes, dont les 2 cofondateurs. On se rend alors à New-York pour rencontrer les équipes et on s’entend très bien. Ils nous proposent alors une term sheet, un document avec les conditions de leur offre.

Le CEO du fonds, lui-même entrepreneur, nous dit alors : “Les gars, je comprends que c’est une énorme décision pour vous. S’il vous faut un peu de temps, je m’arrange avec mon board pour vous le laisser”. Et là où, normalement, tu dois donner ta réponse au bout d’une semaine, on nous accorde un mois ou deux.

Comment menez-vous votre réflexion à ce moment ?

Enzo Avigo : Avant de rencontrer le fonds, on en parle déjà à notre board qui comprend notre position… tout en nous rappelant qu’il est aussi sain de savoir combien le marché nous valorise.

Par conséquent, on s’est dit qu’il serait vraiment bête d’accepter une première offre sans voir s’il y en avait potentiellement d’autres.

Avec du recul, c’est quelque chose que je referais si je devais remonter une boîte demain : être à l’écoute de son marché et de ses acheteurs potentiels, afin de savoir à combien les gens t’évaluent, surtout quand cela fait 4 ans que tu développes ton business, comme dans notre cas. Il est sain d’avoir ces conversations une à deux fois par an.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on a pris cet appel avec le fonds de private equity : cela nous a permis d’apprendre plein de choses sur notre valeur dans le marché, d’un point de vue extérieur. 

Vous contactez donc d’autres entreprises ?

Enzo Avigo : On reprend contact en effet avec quelques entreprises qui nous avaient déjà contactés par le passé.

Stratégiquement, l’analytics produit intéresse plein de boîtes. C’est une capacité qui peut ajouter de la valeur à beaucoup d’entre elles, par exemple les CRM ou les boites de vibe coding. Ces solutions déploient des sites mais, la brique suivante, c’est de comprendre ce que font les utilisateurs sur ces sites.

Sur ce sujet, je conseille d’ailleurs un super bouquin : Magic Box Paradigm: A Framework for Startup Acquisitions. Il explique comment les entreprises estiment le ROI d’un rachat. Par exemple, si tu es une entreprise qui fait 3 Mds$ de chiffre d’affaires et que tu estimes pouvoir faire 5 % d’upsell en ajoutant une brique d’analytics, ça te fait 150 M€ de revenus supplémentaires.

Soit tu passes un an à développer une solution de zéro, soit tu réduis ton time to market de quelques mois en rachetant un produit existant. Ainsi, si tu dépenses disons 30 à 50 M€, ça les vaut. C’est comme ça que les entreprises raisonnent.

Quels sont les retours des entreprises que vous contactez ?

Enzo Avigo : Assez différentes les unes des autres. Certaines proposent un rachat classique de toute la boîte, d’autres juste un acqui-hiring, c’est-à-dire une reprise de l’équipe mais pas de la techno. Certains sont plus agressifs sur les prix, d’autres plus généreux.

Il faut savoir qu’avec mon associé, on décide durant cette période d’être hyper transparent avec l’équipe. Humainement, c’est la meilleure des manières de procéder. Même si, pour toi, en tant que fondateur, c’est une grosse charge supplémentaire. Car, tous les matins pendant deux mois, au stand-up avec l’équipe, on me demandait des nouvelles. Genre : “Alors, on en est où ?” 

Pourquoi choisir l’offre d’Amplitude finalement ?

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