6 min de lecture sans se presser (y’a pas le feu au lac)

✉️ Article issu du Ticket n°048

Des responsables produit de Youtube, Atlassian, Zalando et Twitter ont causé culture et progression de carrière lors de ce grand raout du produit européen. Voici notre sélection des meilleurs apprentissages.

Le 9 novembre dernier, on était de nouveau à une conférence (cf Ticket N°047 sur la School of Product) et… de nouveau dans un cinéma ! Sauf que cette fois-ci, c’était en terre helvétique. Pour sa 10e édition, le Product Management Festival a en effet réuni 750 personnes du produit dans un vaste multiplex de Zurich.

Le menu était copieux (une soixantaine d’interventions en 2 jours !) et de haut niveau. Même si, honnêtement, les grands-messes françaises (LPC et School of Product) n’ont pas à rougir en termes de personnalité d’événement (on n’a pas trop perçu le côté “festival” 🥳. Preuve en est : on n’a croisé personne avec un drapeau breton).

Allez, pour être efficace, on te propose de revivre les moments forts de notre journée sur place en mode bullet points. En se concentrant uniquement sur des thématiques pertinentes pour des leaders produit (actuel·les ou en devenir !)

Product Management Festival Zurich

1. Culture d’entreprise : les leçons d’Ebi Atawodi (Youtube)

Ça commence fort. Ebi Atawodi a été Head of Product d’Uber, Director of Product de Netflix et est aujourd’hui Directeur du Product Management chez Youtube Studio, à Amsterdam. Pas dégueu tout ça sur un CV.

Dans sa keynote d’ouverture, la leader produit nigériane évoque les cultures très fortes de ses dernières boîtes, de puissants leviers pour donner du pouvoir et de l’autonomie aux salariés. Si tu es en plein dans la création des valeurs de ta boîte ou de ton équipe, c’est l’occasion de trouver de l’inspiration.

Au début, chez Uber, le maître mot, c’était “Always be hustlin’”. Que l’on pourrait essayer de traduire par “Toujours bousculer”. À rapprocher du “Move fast and break things” de Facebook (hum, hum…).

2017 : controverses à la pelle pour l’appli de VTC, départ du CEO et cofondateur et… nouvelles normes culturelles, (beaucoup) plus policées :

  • We build globally, we live locally
  • We are customer obsessed
  • We celebrate differences
  • We act like owners
  • We persevere
  • We value ideas over hierarchy
  • We make big bold bets
  • We do the right thing. Period.

Ebi insiste notamment sur cette dernière. “On l’a vu, la culture est quelque chose qui peut vous échapper”, résume-t-elle, citant la célèbre expression “culture eats strategy for breakfast” (= si tu n’as pas une culture appropriée, toute stratégie sera vaine).

Chez Netflix, la culture repose sur l’ouvrage de son fondateur “No rules rules” et ces valeurs :

  • Freedom and responsibility
  • Context not control
  • Informed captains
  • Disagree then commit
  • Representation matters
  • Artistic expression
  • Highly aligned, loosely coupled
  • Ethical expectations
  • Seeking excellence to drive success

Enfin, chez Google, après le “don’t be evil” des débuts (“pas très scalable”, lance Abi provoquant les rires de la salle), on est passé au “Respect the user, Respect the opportunity, Respect each other. ”

Ask me Anything avec Ebi Atawodi

À la fin de sa conf’, on suit l’affable Ebi Atawodi pour une session de questions ouvertes en petit comité, bien plus interactive. 

Une jeune manager d’un groupe pharmaceutique lui demande un conseil: “Comment faire quand on arrive à la direction d’une nouvelle équipe ?”

Réponse : “Tu dois rencontrer chaque personne et leur poser ces 5 questions”.

① Parle moi de toi.

“Un. On ne se rend pas compte à quel point les gens aiment parler d’eux ! Et deux. C’est important d’écouter ce qui est dit… et ce qui n’est pas dit. Si la personne parle plus de sa carrière, de sa famille, de son pays d’origine etc.”

② C’est quoi la stratégie de l’équipe ? 

“Si tu as autant de stratégies que de personnes, cela montre qu’il y a un vrai problème”.

③ C’est quoi tes opportunités et tes défis ?

④ C’est quoi tes ressources ?

⑤ Et enfin, si tu étais moi, quelles seraient les 3 choses que tu ferais dans les 90 premiers jours ?

“En faisant ça, tu indiques que tu es à l’écoute. Mais il faut tout de suite passer à l’action : tu annonces à toute l’équipe ensuite ce que tu vas faire ces 90 premiers jours, parfois en prenant en compte leur recommandation. C’est une façon de construire de la confiance”. 

2) Les 6 idées reçues sur la progression de carrière selon Dave Meyer (Atlassian)

Chez Atlassian (le groupe australien derrière Jira, Confluence, Trello etc.), quand tu fêtes tes 10 ans dans la boîte, tu as le droit à une statuette à ton effigie. Un honneur dont vient de bénéficier Dave Meyer.

Dans une conf’ joyeuse et pleine d’humour, le Head of Product en a profité pour livrer son retour d’expérience sur sa progression de carrière (PM>Senior PM>Group PM>Senior Group PM) en 6 idées reçues.

Idée reçue n°1 : Tu es à une promotion du bonheur

Une autre façon de le dire : si tu n’es pas heureux dans ton rôle actuel, tu ne le seras pas plus si tu as une promotion.

Idée reçue n°2 : Tu dois travailler sur le “bon” projet

Entre un projet sexy mais avec une équipe dysfonctionnelle, un·e manager absent·e et des échéances impossibles à tenir ET un projet ennuyeux mais avec une équipe brillante et un·e manager bienveillant·e, tu choisis quoi ?

Le 2ème répond Dave, lui qui a commencé par bosser sur la fenêtre d’installation de Jira sur Windows, puis sur de la documentation puis sur une API. “La définition même de projets pas cools !”

Sa reco : mieux vaut chercher des compétences et de l’expérience plutôt que des titres et un salaire.

Idée reçue n°3 : Tu as besoin d’une personne qui t’apprenne à être PM

Ce point rejoint le précédent : ton apprentissage du produit viendra 1) de tes actions et 2) d’un environnement de travail stimulant (manager, équipe, pairs etc.)

Idée reçue n°4 : Une fois que tu l’as fait, tu sais le faire (et tu peux progresser)

Malheureusement, la vitesse de progression de ta carrière n’est pas constante. Pire : plus tu apprends… et plus tu te rends compte à quel point tu en sais peu !

Idée reçue n°5 : Tu peux y arriver tout·e seul·e

Schéma à l’appui, Dave fait la distinction entre mentor, coach, manager et champion.

Dave aime les Vanina metrics (pardon)

“Les managers donnent des opportunités et évaluent les performances. Alors que les champions, qui sont dans des positions d’influence, défendent vos intérêts lorsque vous n’êtes pas là et vous n’avez pas à leur rendre des comptes”.

Sa “championne” ? La COO d’Atlassian, qui l’a embauché. Bon, un conseil qui marche quand même plus dans les grosses boîtes (ils sont 9 000 chez Atlassian).

Idée reçue n°6 : Tu dois commencer en tant que PM

Un chiffre étonnant : 29 ans. C’est l’âge moyen qu’avaient les leaders produit d’Atlassian… quand ils ont commencé le product management ! Consultant, designer, ingénieur, vendeur dans un Subway (!), les provenances sont multiples pour cette discipline, certes, relativement nouvelle.

Allez, en guise de conclusion, quelques devoirs à faire pour progresser en tant que PM :

Un peu de boulot à faire du côté de chez soi

3) Culture d’entreprise : Les bonus de Jessica Dewald (Zalando)

Et revoilà la sous-préfète culture dans cette intervention en fin d’après-midi de la Head of Product de Zalando (vente de chaussures), Jessica Dewald. Les 2 points qui sortent du lot à nos yeux : 

1) La culture est la somme de toutes les actions, des comportements et des communications de chacun et chacune.

Dit autrement : ce n’est pas qu’au leadership de montrer l’exemple, il en va de la responsabilité de tout le monde dans la boîte. Moment citation (sinon on ne serait pas vraiment dans une conf’) : “Ce que tu fais est ce que tu es” (l’investisseur Ben Horowitz).

Exemples : Tu es malade et tu vas au travail ? Ton comportement envoie (indirectement) le signal que les autres doivent aussi le faire. Tu manges durant une réunion et personne ne dit rien ? Alors ça veut dire que c’est OK de ne pas avoir de vraie pause déj dans la boîte. 

“Hiring for culture-add VS culture fit”

Traduction : selon Jessica Dewald, il vaut mieux embaucher une personne qui va enrichir la culture par de nouvelles perspectives que quelqu’un qui nous ressemble (= culture fit).

4) “Impact is the only thing”

La journée s’est conclue par la keynote d’Ameet Ranadive, qui ne s’est pas ennuyé ces dernières années (ingé chez HP, cofondateur d’une startup financée par Google et rachetée par Twitter, VP Revenue Product de cette dernière, Product Director d’Instagram et aujourd’hui CPO de l’agence de voyage en ligne allemande GetYourGuide).

Son intervention portait sur les moments clés qui ont jalonné sa carrière. On va en relater un seul, qui te rappellera l’idée reçue N°2 de Dave d’Atlassian.

Première réunion d’Ameet chez Twitter avec le VP Product de l’époque Othman Laraki“C’est quoi le conseil que tu me donnerais si je veux suivre ta trajectoire ?” Il s’attend à entendre : “J’ai déployé une fonctionnalité énorme, comme les retweets”. Sa réponse fut beaucoup triviale : “Je me suis occupé de la migration des centres de données de Twitter”. Silence. Le truc le moins sexy du monde !

Othman poursuit : 

“C’était crucial pour l’entreprise et c’est ce qui m’a permis de gagner la légitimité du leadership de l’époque”.

Armeet, lui, a commencé par faire des tableaux de bord en interne pour l’équipe finance (à l’heure où Twitter débutait sa monétisation). Ce qui lui fait dire, à son tour, qu’en tant que jeune PM, il faut aller chercher les opportunités qui ont le plus d’impact, même si ce ne sont pas les plus innovantes ou cools.

Et de citer la notion de “expedition behaviour”, citée dans le livre Give and Take : il faut toujours mettre les besoins de l’équipe au-dessus des siens. Humilité.

5) Vu dans la rue

Un petit clin d’œil pour finir avec cette pub pour ProductBoard, un outil pour PM. Certes à la sortie du tram pour se rendre à la conf. Mais quand même, les temps changent…