Comment se porte le marché du Product Management ? On a posé la question à une dizaine de personnes aux premières loges. Voici leurs confessions intimes.
⌛ 12 minutes pour prendre le pouls de l’écosystème
✉️ Article issu du Ticket n°077
Le sommaire des 7 tendances que l’on va aborder dans cet article : – Scale-up : un marché sinistré – Recrutement Product : moins d’offres, plus de candidats – CPO : La raréfaction des offres de Product Leaders – Le ras-le-bol des “théoriciens du produit” – Salaire Product : le retour à la raison – La disparition du travail en remote – La fin des Product Managers généralistes ? |
En convalescence. Voici, en un mot, le diagnostic qui pourrait être posé sur le marché du recrutement dans le monde du produit actuellement. Sous-entendu : même si une rechute n’est pas à exclure, le gros de la crise semble derrière nous, mais c’est quand même pas la grosse forme et il va falloir du temps pour s’en remettre (ça fera 25 euros, merci au revoir).
L’année dernière, à la même époque, nous parlions dans ces mêmes colonnes d’un retournement de tendance. Aujourd’hui, on constate que celui-ci est durable et qu’il a des répercussions multiples pour les métiers du produit.
Fort des observations concrètes d’une dizaine d’insiders qui disposent d’une vue élargie du marché quoique partielle par nature (boîtes de recrutement, de chasse de tête ou de conseil), nous en avons dégagé 7 tendances notables qui pourront t’aider à avoir l’heure juste sur la réalité du moment.
Disclaimer : ce type d’exercice présente une vision généralisée de la réalité. Il s’agit de tendances globales et non de vérités absolues valables indépendamment du contexte – une gageure. Même si on a essayé d’apporter un maximum de nuances pour être le plus précis possible, ce petit rappel nous semble loin d’être futile 😉
1. Le marché du recrutement Product chez les scale-up ? Sinistré !
Pour les scale-up, le retour de bâton est aussi fulgurant que l’essor des années 2021 et 2022. Tous les mois, les médias n’annoncent plus l’émergence d’une nouvelle licorne mais un plan de réduction des effectifs (ManoMano, OpenClassrooms, Sunday, Ledger, Payfit, Sorare…) voire un placement en redressement judiciaire (Luko, Masteos, Bellman…). Deux salles, deux ambiances.
“Beaucoup de boîtes du Next 40 de la French Tech ont connu une lente dégringolade en 2023 et je ne suis pas sûr qu’elles ont toutes touché le fond encore”, s’inquiète cet observateur du secteur.
Les raisons sont connues et étaient déjà expliquées en détails dans notre article de l’an passé. Alors qu’ils étaient abondants quand le prix de l’argent était au plus bas, les financements par les grands fonds d’investissement se sont taris. Conséquence : l’objectif d’expansion à marche forcée a laissé la place à une logique de rentabilité à brève échéance.
“Le gros paradoxe, c’est qu’il y a toujours de l’argent, mais il est investi de manière plus raisonnée,” indique Hugo Geissmann, le cofondateur et dirigeant du cabinet de conseil en Product Management Thiga.
“Les boîtes ne cherchent plus à faire du volume en créant des équipes entières. Désormais, elles recrutent pour des besoins ponctuels voire ont recours aux promotions internes”, affirme Alexandre Vovan fondateur des cabinets de recrutement dans la Tech et le produit, RHezO et Productree.
Recrutement de Product Managers : Les grandes entreprises au relais
Cette désertion des scale-up numériques du marché du recrutement product a des répercussions multiples, comme nous le verrons progressivement.
La première que l’on peut évoquer d’emblée ? Le rééquilibrage entre l’image des grands groupes et des startups aux yeux des candidats.
“On voit de plus en plus de personnes qui s’orientent vers des postes en grande entreprise pour des raisons de stabilité et de sécurité de l’emploi”, confirme Renaud de Cock, leader de la practice produit au sein du cabinet de chasse de têtes Data recrutement.
“Même si cela demande parfois d’admettre que le produit n’est pas au cœur du réacteur. Par exemple, le produit chez L’Oréal, tu touches certes des millions de gens mais c’est peanuts par rapport aux autres départements.”, admet Mehdi Ayouche, cofondateur de la société de recrutement Tech & ProduitThe Product Crew.
Symbole de cette tendance : pour la première fois en quatre éditions du baromètre LPC, un grand groupe qui n’est pas un pure player numérique est en tête des entreprises où les Product Managers aimeraient travailler en 2023 : Decathlon (et encore, c’était avant le changement de logo 😉).
“Ce rééquilibrage est plus sain, estime Hugo Geissmann. Certaines personnes ont pris conscience d’une réalité qu’on ne perçoit pas quand tout va bien : bosser pour une startup, c’est prendre un risque.”
Même les startupers semblent en avoir ras la coupelle : selon le média Sifted, près de la moitié des 150 entrepreneurs et entrepreneuses interrogé·es envisagent de partir de leur boîte cette année !
2. Recrutement Product : moins d’offres, plus de candidats
“Il y a 3 ans, je postulais sur Welcome to the Jungle et on me rappelait dans les 24 heures. Aujourd’hui, mon CV ne passe même plus la première étape”, se lamente ce Product Manager croisé au cours d’un meetup récemment. L’anecdote est révélatrice : le rapport de force s’est clairement inversé.
“Il y a deux ans, je pouvais être en recherche sur 10 postes en simultané. Là, on est content quand on en a 6”, illustre Renaud de Data Recrutement.
“On devait faire un vrai travail de sourcing de candidats à l’époque alors qu’aujourd’hui, les personnes viennent plus facilement à nous quand on ouvre un poste”, remarque Laetitia Melchior, Talent Acquisition Manager Product de BlaBlaCar, entreprise qui a mené 16 recrutements au produit en 2023 et en envisage au moins 4 cette année.
Mehdi Ayouche, de The Product Crew, estime qu’il y a aujourd’hui moitié moins de jobs dans la Tech comparativement au pic de mars 2022… mais tout de même 30 % de plus par rapport au creux de mars 2023. Concernant les Product Designers, la dégringolade est toutefois plus marquée : – 70 % d’offres d’emplois entre 2022 et 2023 !
« J’ai quitté mon poste de Head of Design en 2023. (…) Maintenant, avec mes 15 ans d’expérience sur de l’opérationnel et de la stratégie, je suis surprise de la qualité des offres d’emploi actuelles qui me paraît bien moindre qu’il y a quelques années”, s’épanche ainsi cette lectrice de la dernière édition de la newsletter de Marion Darnet, agent de talents et fondatrice de Pachamama. “Le marché n’a pas fini de s’assainir,” témoigne cette dernière.
The Product Crew mène actuellement une étude sur le marché de l’emploi Tech. D’après quelques résultats préliminaires auxquels nous avons eu accès, 55 % des plus de 1 700 répondants jugent le marché actuel “incertain”. 17 % affirment “Tendu, c’est la crise” tandis qu’un bon quart (28 %) se montre optimiste en affirmant : “prometteur : je m’attends à une reprise”.
Factuellement, 16% indiquent que les recrutements sont gelés dans leur entreprise voire, pour 3%, qu’il y a des départs forcés ou des ruptures de période d’essai. À l’inverse, 17 % vont recruter seulement pour remplacer des collaborateurs, 36% vont “recruter avec prudence” et 14 % vont recruter pour répondre à une forte croissance.
Rester au chaud pour les Product Managers ?
Il faut dire que le profil des boîtes qui recrutent a évolué. Aujourd’hui, au-delà des startups en seed ou en série A, il s’agit plutôt des PME autofinancées, des ETI en transformation numérique voire des grands groupes. Même si ces derniers, eux aussi, ralentissent la cadence devant l’incertitude du climat économique et ce, malgré les performances record du CAC 40.
Moins d’offres mais tout autant voire plus de candidats qu’auparavant. Résultat : “les pipes de recrutement sont pleins à craquer”, remarque ce dirigeant. Chez BlaBlaCar, on se surprend à voir des offres produit pouvant dépasser les 400 candidatures voire atteindre, une fois, les 700 candidatures. “Les excellents profils ne restent toutefois pas très longtemps sur le marché”, nuance Marion Darnet.
“On sent bien que le marché se fige avec beaucoup de personnes qui préfèrent rester en poste plutôt que de prendre un risque en se lançant dans des process de recrutement”, note Thibaut Desreumaux, cofondateur du cabinet de conseil en produit Wivoo.
L’envie de mouvement est bien présente malgré tout. D’après les résultats préliminaires de l’étude The Product Crew, la moitié des répondants (47 %) a l’intention de changer d’emploi dans les 12 prochains mois !
Cédric Lozac’h, cofondateur du cabinet de conseil produit WeFiiT, se montre rassurant : “Certes les clients ont 20 % de budget en moins mais ils n’ont pas 20 % de choses à faire en moins ! On reste sur un marché en croissance”. De 7 millions d’euros en 2022, son chiffre d’affaires est ainsi passé à 11 M€ en 2023 et il table sur 15 M€ cette année.
“On n’est plus dans le tsunami d’opportunités d’il y a deux ans mais on n’est pas non plus dans la crise de 1929 du produit. C’est une période de normalisation, après une phase qui flirtait avec le surinvestissement”, poursuit-il.
3. CPO : La raréfaction des offres de Product Leaders
« 1 offre pour 70 candidats » révélait récemment une CPO à Mehdi Ayouche. Dans le climat actuel, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Et, en l’occurrence, il s’avère que les postes de leaders et d’exécutifs (C-Levels si tu préfères) sont plus touchés que la moyenne.
“Pour des questions de coûts et de culture, on voit beaucoup de fondateurs et fondatrices qui prennent aujourd’hui un rôle plus opérationnel”, témoigne Alexandre Vovan.
“De nombreuses boîtes ont dû dégraisser le mammouth et sortir les gros salaires, ajoute cet observateur. Et il s’avère que des personnes qui avaient le titre de CPO n’étaient pas à la hauteur de ces attributions en vrai”.
Que faire devant cette pénurie d’offres de CPO voire de management intermédiaire (Head of Product, VP Product…) relatée dans l’ensemble de nos interviews ?
Difficile déjà de se montrer inflexible en mode : “j’ai 10 ans d’XP, je vaux 150 K, c’est ça ou rien”. “La réalité en face, c’est qu’il y a moins besoin de visionnaire et de stratège”, répond Mehdi Ayouche. Selon lui, pour naviguer dans cette période, il convient d’être plus adaptable.
“Je vois des mouv’ intéressants de CPO ou head of product qui font le pari de rejoindre une startup en seed ou en série A avec moins de management, moins de salaire mais avec plus de BSPCE et une fonction plus hands-on voire de contribution individuelle”, ajoute-t-il. Des profils capables de naviguer entre la strat’ et l’opérationnel.
Les Product Managers junior aussi touchés
Autre possibilité : se muer en CPTO (ou CTPO, on veut vexer personne) en chapeautant l’ensemble des équipes Product & Tech. Un poste qui émerge de plus en plus ces derniers temps et qui permet notamment de rationaliser sa masse salariale.
Enfin, parlons de la voie du freelancing. “Comme il y a moins de place pour se faire plaisir en tant que CPO, on voit pas mal la tendance du CPO Part Time, avec des personnes qui vont chercher des leads sur Linkedin”, remarque Renaud de Cock.
Notons aussi que le marché semble suivre une courbe de Gauss, pour reprendre l’expression de Thibaut Desreumaux. Autrement dit, les profils expérimentés mais pas encore très chers du milieu de la courbe restent demandés tandis que les extrêmes souffrent plus.
Product Leaders donc, mais aussi profils très junior. “Si on ouvre un poste de junior et que l’on reçoit beaucoup de profils avec un ou deux ans d’expérience, c’est sûr que cela sera plus compliqué pour les personnes qui débutent tout juste”, explique Laetitia Melchior de BlaBlaCar.
4. Le ras-le-bol des “théoriciens du produit”
Allez, une petite tendance qui va faire causer (si ce n’est pas déjà fait). Pour de bonnes comme de mauvaises raisons. Partons déjà du constat unanimement partagé par les personnes interrogées.
“Le produit a souffert de son image starifiée. Beaucoup de clients nous disent : je veux des gens qui livrent; le côté Marty Cagan et meetup produit, c’est pas ça la vraie vie”, rapporte Thibaut de Wivoo.
Cette perception du produit par l’écosystème n’est pas forcément une bonne chose selon Hugo Geissmann.
“Cela laisse penser que le mindset produit, c’est faire des choses inutiles et ne pas être pragmatique. On paie un product management à l’européenne où le produit et le business sont deux jobs différents alors que fondamentalement, ce n’est pas le cas”.
Sur ce point, on te renvoie à nos derniers articles sur la culture produit-business chez Datadog ou chez Yousign.
Il ajoute : “C’est aussi parce qu’on a voulu mettre des Product Managers partout, dès qu’il était question de numérique. Alors que, parfois, quand ce n’est pas ton core business, il est plus pertinent d’opter pour un ou une chef de produit. On ne va pas réinventer la valeur du produit pour une montée de version de SAP ou un replatforming”.
L’impact, la compétence clé du marché du recrutement Product en 2024
Mauvaise compréhension donc d’une part et… dogmatisme parfois de l’autre ! “Entre 2019 et 2021, quelques Product People pouvaient avoir le boulard”, raille ce témoin privilégié. Autrement dit, des puristes pouvaient lancer avec un ton péremptoire “c’est comme ça qu’il faut faire du bon produit”… et se casser de la boîte si elle ne suivait pas ses injonctions – généralement avec comme arrière pensée un petit “vous êtes vraiment trop c***”.
Le message en creux ? Le produit doit être un vecteur d’inclusion des parties prenantes et non s’enfermer avec ses principes dans sa tour d’ivoire. “Pour être performante d’un point de vue produit, une entreprise doit impliquer l’ensemble de ses fonctions. Le produit certes, mais aussi la data, le marketing, le design, les dev’, le support client, la direction etc.”, avance Cédric de WeFiiT. “C’est un métier où il faut sans cesse éduquer et sensibiliser”, ajoute Marion de Pachamama.
“Mettre de la théorie et des process partout est le meilleur moyen de se cramer dans une boîte”, assure Mehdi de The Product Crew, qui parle d’une ère d’efficience plutôt que d’excellence. “La Soft skill numéro 1 en 2024, c’est l’impact,” ajoute-t-il. Un avis partagé par Cédric Lozac’h :
“C’est en effet le critère clé du marché. C’est-à-dire comment tu vas pouvoir faire une différence sur l’outcome généré par tes actions et, in fine, sur le business de l’entreprise. Rares sont les candidats qui me répondent du tac au tac sur cette question, en me parlant de taux de conversion ou de churn par exemple”.
Un exercice pas si évident en effet. “Je suis surprise du nombre de PM qui ne savent pas comment mettre en avant leur impact. En tant que recruteur, on a besoin de chiffres qui démontrent tes actions. Le joli nom sur le CV ne suffit pas”, conseille Marion Darnet. Un bon exemple à suivre ?Ce profil pour donner une illustration de comment faire ressortir son impact concret.
5. Les salaires Product en 2024 : le retour à la raison
Les conditions actuelles se reflètent évidemment niveau pépettes.
Bon, pour te rassurer, les salaires ne sont pas en chute libre pour autant. “On a coupé les excès”, résume Hugo de Thiga.
“Beaucoup de licornes ont payé ces deux dernières années 15 % à 20 % au-dessus du marché”, précise Cédric de WeFiiT.
Des offres aujourd’hui réduites à la portion congrue. “Pour la première fois cette année, je vois des personnes qui acceptent de baisser leur rémunération pour s’adapter au marché,” constate Marion Darnet.
D’après les premières données de l’étude The Product Crew sur le marché de la tech en 2024, la moitié des répondants (48%) n’ont pas été revalorisé cette année et un tiers (31 %) a connu une hausse entre 1% et 5%. Des chiffres légèrement supérieurs par rapport aux résultats de l’an passé. Autrement dit : il y a eu moins d’augmentation et moins de forte augmentation de plus de 6% en 2023.
En réalité, ce sont moins les salaires qui ont baissé que les prétentions salariales.
“Il y a un an ou deux, on proposait 55K à des candidats qui en voulaient 65K, on ne les revoyait plus. Désormais, ils nous rappellent”, illustre Thibaut de Wivoo.
Même son de cloche chez BlaBlaCar qui n’a jamais voulu s’aligner sur les 5K à 10K supplémentaires demandés par les postulants.
“Fini aussi les 20% de gap salarial entre deux postes”, ajoute Renaud de Data Recrutement. Aujourd’hui, ce jump se fait plus progressivement au bout de 2 à 3 ans. D’après les différentes personnes interrogées, le “prix” des Product Managers varie généralement :
- de 40 à 50K entre 0 et 2 ans d’expérience
- de 50 à 60K entre 3 et 5 ans d’expérience
- de 60 à 80K entre 6 et 9 d’expérience voire plus de 100K au-delà
Il s’agit bien entendu d’une fourchette moyenne. Plusieurs facteurs peuvent influencer à la hausse ou à la baisse ces rémunérations: l’expertise du profil (background tech, data ou growth par exemple), le track record, le management d’équipe, l’environnement de la boîte etc.
Cédric de WeFiiT souhaite également apporter une nuance : “ Il faut comparer ce qui est comparable : on parle bien d’années d’expériences professionnelles dans le produit”. Une précision que l’on avait aussi rappelé dans la dernière étude LPC (au 3e point). Sous-entendu : avoir été chef de projet AMOA ou responsable marketing digital, ce n’est pas vraiment considéré comme une expérience produit – même s’il est facile sur Linkedin de changer a posteriori son intitulé en “Product Manager”.
6. Recrutement Product : la disparition du travail en remote
En vérité, le véritable séisme concerne le travail à distance. Précisons : le télétravail reste accepté, à raison de deux à trois jours par semaine. Mais le full remote, lui, devient de plus en plus rare. “Avant, sur 100 boîtes qui n’avaient pas le choix, 98 acceptaient le full remote. Aujourd’hui, c’est l’inverse : 98 sur 100 sont contre”, lance Alexandre de Rhezo. Les chiffres de The Product Crew vont dans le même sens, même si elles s’avèrent moins catégoriques. 71% de leurs offres y étaient ouvertes en 2022 contre seulement 29 % en 2023.
Volonté de préserver la culture d’entreprise, de mieux partager l’information, de favoriser la collaboration, de mieux contrôler les équipes, de rentabiliser ses (beaux) bureaux… Les raisons de cette disgrâce sont variées.
“À Paris, il n’y a plus trop d’offres en remote. Mais ça reste possible encore dans des boîtes très Tech ou un peu en région, dans les endroits où il est parfois plus difficile de trouver de très bons profils”, nuance Mehdi de The Product Crew.
“Là où c’est plus compliqué, c’est pour les Product Managers qui sont parti·es s’installer en région et dont les boîtes ont fait machine arrière”, renchérit Renaud de Data Recrutement. Avant d’ajouter : “Il faut faire une croix sur certains privilèges obtenus par le passé”.
7. La fin des Product Managers généralistes ?
C’est un peu le revers de la médaille de la plus grande maturité de l’écosystème produit et du marché actuel.
“La notion de Product Manager généraliste est un peu morte, atteste Hugo de Thiga. Cela ne suffit plus aujourd’hui d’être juste bon dans les basiques du Product Management. Les boîtes ont le luxe de choisir les expertises qui correspondent à leurs besoins”.
En d’autres termes, la valeur se déplace vers une plus grande spécialisation des profils. “Je dis aux personnes qui ont peur de s’enfermer dans un secteur : au contraire, il faut capitaliser dessus”, affirme Marion de Pachamama.
Dans notre teasing sur Linkedin en fin de semaine dernière, ce point a toutefois suscité quelques oppositions. “Je trouve qu’en France de manière générale sur tous les métiers, nous ne sommes pas fan de profil généraliste. Pour moi, en fonction du contexte, un profil généraliste peut être complètement adapté voire nécessaire”, nuance Sammy Gad, Head of Product chez LumApps.
“Choisir un profil Produit compétent et non expert dans le domaine de la boite en question est une chance ! Regard neuf, transposer les bonnes idées d’un domaine à un autre, etc”, ajoute Sylvain Mazaleyrat, CPO freelance. Encore une fois : le contexte prime toujours sur les principes et les tendances.
Toujours est-il qu’il est possible de creuser son sillon dans une expertise soit sectorielle (fintech, santé…), soit de typologie commerciale (B2B ou, surtout, B2C, des profils plus rares en France) soit de compétence.
Dans ce dernier cas, la grosse tendance actuelle concerne bien évidemment les profils Data, en lien avec toute la hype autour de l’intelligence artificielle générative. “Même si, sur ces sujets, on recherche plus des dev’ ou des Data Scientists et Analysts. À la limite des PM, mais avec ces antécédents”, tempère Alexandre de Rhezo.
À voir toutefois s’il s’agit d’un phénomène de mode (comme le Web3 il y a moins d’un an) ou d’une orientation durable. On te dira cela l’année prochaine.
Pour compléter cet article, Tanguy, cofondateur du Ticket et Product Manager, a souhaité apporter une nuance notamment par rapport à la 4e tendance évoquée 👇 |
Bonus – Éloge de la face immergée de l’iceberg produit
Cela fait plus de 3 ans que nous écrivons des articles sur le Product Management au Ticket. Et, pour la première fois, j’ai éprouvé le besoin de prendre la parole en tant que cofondateur de ce média, mais aussi de Product Manager membre de cet écosystème depuis une dizaine d’années désormais.
La raison ? Je voulais vous partager mon ressenti d’observateur privilégié du produit en France (à travers les interviews et rencontrées menées grâce au Ticket) face à la petite musique lancinante entendue ces derniers temps et rapportée dans la 4ème tendance de notre article, sur la « déconnexion du produit et du business ».
Je ne nie pas l’existence de posts Linkedin ou de postures exagérées qui ont parfois pu donner cette impression de déconnexion. Voire nourrir de l’incompréhension chez les dirigeants et dirigeantes d’entreprise et dans les autres équipes. Je ne remets pas non plus en cause cette tentation à un moment donné du « tout Discovery » et « la Delivery, ce n’est pas pour nous ».
Mais je ne crois pas que cela reflète la très grande majorité du paysage du produit en France, si je me fie aux personnes avec qui nous avons échangé depuis toutes ces années. Celles qui constituent la face immergée de l’iceberg produit. Celles qui font tous les jours, mais qui ne le font pas toujours savoir.
Ne soyons pas dupes de ce cliché. Notre profession est jeune et certaines personnes ont pu se laisser tenter par une vision fantasmée du Product Management, amplifiée parfois pour mieux la vendre.
Mais ne prenons pas ce bruit pour un signal. Il ne fait qu’alimenter le discours dénigrant des personnes qui connaissent mal le produit et les Product Managers. Et ne fait qu’éluder les multiples exemples d’équipes produit qui sont véritablement des composantes clé du business de leur organisation.
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