Les BSPCE : comment ça marche concrètement ? Réponses avec les experts du cabinet d’avocat Bold et les témoignages de quelques Product Managers qui ont appris, parfois à leurs dépens, les pièges de cet outil d’intéressement chouchou des startups.

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Ce que tu vas apprendre dans cet article sur les BSPCE : 

(Tu peux cliquer sur une question pour y accéder directement)

1- C’est quoi des BSPCE ?

2- Existe-t-il d’autres dispositifs d’intéressement que les BSPCE ?

3- Quels sont les avantages des BSPCE ?

4- Quelles sont les limites des BSPCE ?

5- À quel moment peut-on “exercer ses BSPCE” ?

6- Que se passe-t-il avec mes BSPCE si je pars de l’entreprise ?

7- C’est quoi le “vesting” ?

8- Quelle est la fiscalité des BSPCE ?

9- Comment savoir si les conditions de mes BSPCE sont avantageuses ?

10- 🎫 Quelles sont les 3 (bonnes) questions à poser quand on m’attribue des BSPCE ?

11- 🎫 Peut-on négocier ses BSPCE ?

12- 🎫 Je travaille pour une entreprise étrangère. Quelle est la différence entre “qualifié” et “non qualifié” ?


TL;DR - Ce qu'il faut retenir en 30 secondes sur les BSPCE

  • Des BSPCE ne sont pas des actions mais des options d’achat
  • “Tu as 100K€ de BSPCE” ne veut pas dire que tu vas toucher 100K€… mais à l’inverse que tu devras acheter tes actions 100 K€ 
  • Tu gagnes de l’argent uniquement en cas de plus-value de cession
  • L’important est d’avoir un prix d’achat le plus faible possible
  • Le vesting, c’est la période au cours de laquelle tu pourras progressivement accéder à ces BSPCE

“Je n’y comprends rien”, “Ce n’est pas clair du tout pour moi”... Vous avez été nombreux et nombreuses à nous faire part de votre dépit à l’évocation de ces 5 lettres parfois (rarement) synonymes de jackpot financier : les BSPCE. 

Une méconnaissance qui se reflète également dans le dernier baromètre LPC sur les salaires dans le monde du produit, où les actions ne sont même pas évoquées dans le package de rémunération.

“Alors que, avec énormément de chance si on travaille dans une boîte qui explose, cela peut changer la vie”, affirme ce Product Manager.

Le savoir est un pouvoir : démêlons le vrai du faux sur les BSPCE, afin que tu puisses négocier ton package à l’avenir pleinement éclairé·e.

1- C’est quoi des BSPCE ?

Commençons par la base. Les Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise (plus communément appelés BSPCE) sont des options d’achat d’actions de sa société, accordés à des salariés.

Première incompréhension classique : 

❌ Ce ne sont donc pas des actions de l’entreprise

✅ Ce sont des options d’achat : cela donne la possibilité d’acheter des titres de son entreprise à des conditions déterminées à l’avance

💡À retenir :

“On t’offre 50 000 € de BSPCE” ne signifie pas “rémunération cadeau de 50 K€”. Tu devras les débourser pour devenir détenteur des actions. Le plus important est le prix par action qui déterminera ta plus-value potentielle.
La première raison pour laquelle les répondant·es n'ont pas d'action ? Leur entreprise n'en distribue pas (79 %)

2- Existe-t-il d’autres dispositifs d’intéressement que les BSPCE ?

Oui… mais les BSPCE restent l’outil d’intéressement au capital le plus couramment utilisé par les start-up. On va comprendre pourquoi ci-dessous dans les avantages et la fiscalité des BSPCE.

Les autres formes de participation actionnariale :

  • L’attribution gratuite d’actions (AGA), qui, comme son nom l’indique, consiste à donner des titres sans que le bénéficiaire n’ait à débourser d’argent. Généralement, quand la société est déjà bien valorisée et/ou quand elle ne peut plus donner de BSPCE. À noter que pour les boîtes étrangères, ce mécanisme s’appelle les Restricted Stock Units (RSU).
  • Les stock-options, dont les BSPCE sont une sous-famille. Ils sont plutôt utilisés dans les grands groupes cotés ou les sociétés étrangères.
  • Les bons de souscription d'actions (BSA), qui sont aussi des options d’achat d’actions de la société. À la différence des BSPCE, ils sont payants pour le bénéficiaire et moins favorables d’un point de vue fiscal et social mais ils sont accessibles à plus de personnes (investisseurs, conseillers, partenaires) et à plus de types d’entreprise.

En effet, rappelons que toutes les entreprises ne peuvent pas émettre des BSPCE. Voici les critères à remplir : 

☑ Être immatriculées depuis moins de 15 ans

☑ Être soumise à l’impôt sur les sociétés en France

☑ Ne pas être côté ou avoir une capitalisation boursière inférieure à 150 M€

☑ Avoir un minimum de 25% de son capital détenu par des personnes physiques ou par des personnes morales dont 75% du capital social est détenu par des personnes physiques

Un dispositif qui cible donc les start-up françaises.

3- Quels sont les avantages des BSPCE ?

> Pour l’employeur

C’est un super outil pour : 

  • Impliquer, motiver et fidéliser (cf le mécanisme de “vesting” plus bas) ses équipes
  • Attirer et recruter de nouveaux profils

Et ce, à un régime social avantageux : il n’y a pas de cotisation à payer sur les BSPCE pour la société (alors qu’il peut y avoir des cotisations patronales pour les stock-options ou l’attribution gratuite d’actions).

Autre avantage : il n’y a pas à sortir de cash dans l’opération. Ce sont juste les associés qui diluent un peu le capital : le pool de BSPCE s’échelonne généralement entre 5 % et 10 % jusqu’à la série A voire B, et peut monter à 15 % dans les phases de croissance ultérieures. Sachant que la dilution réelle sera moindre étant donné que tous les BSPCE ne seront pas forcément exercés (départs avant le vesting).

> Pour les salariés

C’est une façon de capter une partie de la valeur de la boîte qui sera (peut-être) créée à l’avenir et à laquelle tu vas contribuer. Dit de manière très prosaïque : c’est une probabilité de toucher un (gros) chèque si ta startup cartonne.

“C’est le meilleur moyen de compenser les niveaux de rémunération des grosses boîtes. Car, la plupart du temps, ce n’est pas pour le salaire qu’on rejoint une startup. Il faut bien trouver un moyen de combler cette prise de risque”, atteste Lucas Cerdan, Principal Product Manager passé par Algolia, Databricks, Datadog et Samsara.

"On va pas se mentir : la plupart du temps, les BSPCE ne valent que dalle" - Lucas Cerdan ici lors de La Product Conf (en vert "Le Ticket") - Crédit photo : Alain de Baudus, Fabrice Sudaka

Exemple (très simplifié) : tes BSPCE te donnent le droit d’acheter 1 000 actions de ta société à 10 € l’action. Deux ans plus tard, ta boîte est rachetée à une valorisation de 50 € l’action (x5). Tu vas donc revendre tes 1 000 actions pour 50 000 €, après les avoir achetées 10 000 €. 40 000 € de benef’ donc.

💡À retenir :

La valeur des BSPCE provient de l’éventuelle plus-value de la société, donc de ses performances futures. Et non de sa valorisation au moment de l’attribution des BSPCE.
Si ta boîte stagne ou décroît, tes BSPCE ne valent rien. Même si sa valo est élevée. C’est un pari sur l’avenir… si tu crois dans ta boîte !

4- Quelles sont les limites des BSPCE ?

Les BSPCE peuvent avoir mauvaise presse. Le fantasme de faire fortune par ce biais ? Un mirage bien souvent.

Selon la plateforme Caption Market, 75 % des détenteurs de BSPCE ne les activeront jamais, c’est-à-dire qu’ils ne lèveront pas l’option d’achat. Soit parce qu’ils partent avant de se les voir attribués (cf “vesting”), soit parce que la startup n’a pas connu la croissance escomptée entre-temps (voire a coulé).

Un Product Manager d’une scale-up française cotée en a fait l’amère expérience. Salarié depuis plus de 8 ans, il n’a pas pu profiter de l’événement de liquidité offert par l’introduction en Bourse : la valorisation était en deçà du prix d’exercice de ses BSPCE.

“On va pas se mentir : la plupart du temps, les BSPCE ne valent que dalle, assène Lucas Cerdan. Pourtant, les start-up se servent de cet argument pour justifier un salaire moindre”.

“Les BSPCE ne font plus rêver”, constate sur Linkedin l’entrepreneur Rémi Chabanas.

“Ça reste une mécanique positive pour les employés, tant qu’on a une vision réaliste et une bonne compréhension de ce que c’est vraiment. De ce point de vue, une boîte qui présente les BSPCE comme une part du package n’envoie pas un signal super positif”, nuance ce leader produit.

Une réputation sulfureuse qui provient d’une incompréhension : les BSPCE ne sont en effet pas un sujet de rémunération mais d’investissement.

“Tu fais un très mauvais calcul si tu comptes acheter ta maison avec. Comme tout investissement, il y a une part de risque et d'incertitude… surtout quand on parle de start-up !”, affirme Thomas Peignier, avocat et fondateur du cabinet Bold, spécialisé dans les enjeux des startups.

💡À retenir :

Le salaire est une chose, les BSPCE, une autre. Le premier rémunère ton travail. Le second rémunère ton risque… mais n’est qu’une potentielle cerise sur le gâteau.

5- À quel moment peut-on “exercer ses BSPCE” ?

“Exercer” ses BSPCE signifie lever l’option d’achat. Donc acheter les actions de sa société, aux conditions définies lors de la contractualisation des BSPCE.

“La seule différence avec un autre type d’investissement, c’est que tu n’es pas obligé de sortir l’argent tout de suite”, explique Thomas Peignier de Bold.

Thomas Peignier, avocat fondateur du cabinet Bold

En effet, tant que tu restes dans l’entreprise, tu peux garder tes BSPCE sans les exercer (enfin, pendant 10 ans maximum). Et attendre qu’un événement de liquidité survienne :

Il en existe trois types : 

  • Le rachat de l’entreprise (“exit”)
  • L’introduction en Bourse
  • La levée de fonds 

Dans le cas d’une levée de fonds, il faut qu’il y ait ce que l’on appelle une “opération de secondaire” : le nouvel investisseur n’apporte pas de financement à l’entreprise (“opération primaire” ou “cash-in”) mais rachète une partie des titres des actionnaires existants.

Attention, toutes les levées de fonds n’incluent pas forcément de secondaire (donc n’offrent pas la possibilité d’exercer ses BSPCE).

“Cela dépend des startups. Certaines le favorisent à chaque tour”, précise Thomas Peignier.

En réalité, bien souvent, quand on voit passer des chiffres de levées de fonds dans les médias, cela mélange du primaire et du secondaire (voire de la dette qui, là, n’a rien à voir avec les BSPCE).

Source : Equify

Que se passe-t-il dans un de ces 3 cas de figure ? Cela dépend si tes BSPCE ont de la valeur ou non !

C’est-à-dire si la valorisation de la société est supérieure à celle qui a été définie lorsque tu as souscrit tes BSPCE. Si c’est le cas, tu peux donc les exercer et acquérir les actions que le nouvel investisseur va immédiatement racheter. Tu empoches alors la plus-value.

Sinon ? Et bien ça ne vaut pas le coup d’exercer. Tu ne perds rien en soi… mais tu ne gagnes rien non plus.

Dans une super vidéo “cash”, l'entrepreneur Guillaume Moubèche estime que si la valeur de tes BSPCE est comprise entre 3 et 7 fois le revenu récurrent annuel pour un SaaS, tu as des chances de gagner un peu d’argent. Si c’est entre 7 et 15 fois, tes chances sont très faibles et au-delà, elles sont quasi nulles.

💡À noter :

Il existe aussi des plateformes, type Caption, qui permettent de revendre ses actions directement à d’autres investisseurs. À condition que cela soit autorisé par ton entreprise.

6- Que se passe-t-il avec mes BSPCE si je pars de l’entreprise ?

C’est contractuel : cela dépend de ton entreprise et de ce qu’il y a d’indiqué dans les clauses du contrat que tu as signé lors de la souscription des BSPCE.

Certaines entreprises (très minoritaires) acceptent que tu puisses garder tes BSPCE même si tu ne fais plus partie de la boîte.

Généralement, toutefois, le jour où tu quittes la société, tu disposes d’un délai pouvant aller d’un à deux mois (la norme) à plus d’un an pour exercer tes BSPCE.

  • Soit tu peux lever l’option d’achat et payer tes actions (⚠️ sans garantie que ce soit une bonne opération financière lors du prochain événement de liquidité).
  • Soit tu peux ne pas exercer. Dans ce cas, tes BSPCE expirent et tu les perds définitivement.

"Il y a également un cas méconnu : la mise en vente de ses BSPCE auprès des actionnaires, nous souffle cet entrepreneur qui a participé à la rédaction du kit BSPCE du Galion Project. L'entreprise est en forme, le salarié veut partir et tout le monde est d'accord : on propose alors aux actionnaires de lui racheter ses actions. Il active et il strike dans la seconde d'après, donc sans risque. Le prix sera celui d'un secondaire : -25% environ de la dernière valo. À négocier pendant la rupture".

Il précise :

"Les actionnaires sont hyper contents car ils se reluent (un peu) avec des actions moins chères. Evidement, il faut que le ou la CEO ait vraiment envie de se bouger pour l’employé... car c'est relou ! Et que les actionnaires aient vraiment de l’appétit."

Source : Follow Tribes

7- C’est quoi le “vesting” ?

C’est le principal levier de fidélisation d’un salarié quand on parle de BSPCE !

Le “vesting” (= période d’acquisition) est en effet un calendrier d’attribution progressive des BSPCE.

Pour inciter leurs salariés à rester, les startups définissent généralement un plan de vesting compris entre 3 et 5 ans. À la fin de ce plan, le salarié bénéficiera (et pourra exercer le cas échéant) 100 % de ses BSPCE.

Prenons un exemple avec un vesting annuel sur 4 ans (la norme) de 1 000 BSPCE :

  • Fin de l’année 1 : Part “vestée” 25 % (= attribution de 250 BSPCE)
  • Fin de l’année 2 : Part “vestée” 50 % (= attribution de 500 BSPCE)
  • Fin de l’année 3 : Part “vestée” 75 % (= attribution de 750 BSPCE)
  • Fin de l’année 4 : Part “vestée” 100 % (= attribution de 1 000 BSPCE)

Si le salarié ou la salariée part au début de l’année 3, il ne pourra exercer que 50 % de ses BSPCE. Le reste, non “vesté”, ne lui sera pas attribué.

Le vesting est généralement annuel. Mais il existe aussi des vesting trimestriels voire mensuels. Il est aussi possible d'adosser le vesting à des objectifs de performance (plus rare, moins de 15 % des cas selon un sondage de la plateforme Equify).

Des start-up instaurent aussi parfois une “période de cliff”, c’est-à-dire un délai à l'issue duquel le ou la bénéficiaire peut commencer à vester ses BSPCE.

8- Quelle est la fiscalité des BSPCE ?

Attention sujet sensible ! Le Gouvernement a introduit dans la loi de finances 2025 une modification sur les BSPCE qui a provoqué une fronde sur Linkedin… en partie à tort.

Contrairement à ce qui était proclamé, les “gains hypothétiques” ne sont pas taxés lorsque les BSPCE sont exercés. Ce qui change en réalité ? Lorsque les gains des BSPCE exercés sont apportés à une holding, ils deviennent imposables. Autrement dit, comme le rappellent le député Paul Midy ou la Ministre Clara Chappaz, la grande majorité des salariés ne sont pas concernés.

Plongeons désormais dans la merveilleuse machine fiscale française. En y allant par étape : 

1) Ce qui est imposable ? La plus-value de cession (la différence entre le prix d’exercice et le prix de cession).

2) 17,2 % de prélèvements sociaux sont prélevés de cette somme

3) Pour l’impôt sur le revenu, cela va dépendre de 2 facteurs : la date d’attribution des BSPCE (avant ou après le 1er janvier 2018) et l’ancienneté dans l’entreprise à la date de cession (moins de 3 ans ou plus de 3 ans).

Résultat : en fonction des situations, l’imposition totale peut ainsi varier de 30 % (ce qu’on appelle la “flat tax”) à 47,2 %. 

9- Comment savoir si les conditions de mes BSPCE sont avantageuses ?

Répondons à cette question par un petit jeu. On va te donner 3 phrases prononcées par l'employeur au moment de l’attribution de tes BSPCE. À toi de dire si elles te donnent suffisamment d’infos sur la véritable valeur de tes BSPCE.

  • Phrase 1 : “Dans ton package, tu as 100 BSPCE.”

❌ La quantité de BSPCE n’est pas une info pertinente pour déterminer leur valeur. 

  • Phrase 2 : “Comme tu as bien travaillé, je te donne 0,2 % de la boîte sous forme de BSPCE.”

❌ Idem, la part du capital qu’on te donne n’est pas une info suffisante.

  • Phrase 3 : “On a décidé de t’accorder des BSPCE avec un vesting de 4 ans. Cela vaut aujourd’hui 100 000 €. Et on a pour projet de vendre la société dans 5 ans avec un objectif de valorisation sept fois supérieur. Aide-nous à l'atteindre !”

✅ Tu as les infos essentielles : 

  1. Le niveau de valorisation actuel (aussi appelé “prix d’exercice”)
  2. Le niveau de valorisation espérée à une échéance donnée (donc ta potentielle plus-value de cession : 600 000 € ici)
  3. Les conditions d’exercice (le vesting de 4 ans ici)
  4. La projection des associé·es en termes d’événement de liquidité (si tes dirigeant·es souhaitent garder leur boîte toute leur vie sans événement de liquidité, tes BSPCE ne valent rien car tu ne pourras jamais les exercer).

10- Quelles sont les 3 (bonnes) questions à poser quand on m’attribue des BSPCE ?

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