💡 Cet article fait partie de notre dossier complet sur Shape Up à découvrir ici 💡 Et si tu as besoin d’un rappel sur ce qu’est Shape Up, voici la session de rattrapage. |
En résumé :
- Date de mise en pratique de Shape Up : Janvier 2020 (genre ils ont pas traîné à la sortie du bouquin !)
- Ce qu’ils ont changé : Pas de Dual Track Shaping / Building, 2 semaines de Shaping, 1 semaine de cool down, Ajout d’une réunion de sélection des projets à shaper
- Les avantages de la méthode pour eux : Alignement et visibilité interne au sein de l’entreprise, diffusion de la culture produit, productivité, qualité des projets
- Les limites / difficultés : Dépendances externes, gestion des urgences business / Quick wins (= frustration des parties prenantes), discovery
Memo Bank, c’est vraiment l’esprit pionnier. Déjà, on parle de la première banque indépendante créée en France depuis 50 ans ! Ensuite, d’une boîte qui a fait sa transition vers Shape Up dès janvier 2020. Soit quelques mois à peine après la sortie du bouquin.
Il faut dire que l’équipe, constituée en grande partie des personnes derrière le succès de Capitaine Train, a toujours été très inspirée par Basecamp.
“Toutes les personnes qui rejoignaient Capitaine Train à l’époque se voyaient remettre le bouquin Rework”, confirme Julien Bleton, ex Capitaine Train et premier PM de Memo Bank.
Quand le CEO, Jean-Daniel Guyot, est tombé sur cette méthode, il a ainsi tout de suite proposé de la mettre en place pour sa boîte. Non pas que le système “classique” en sprints de deux semaines ne marchait pas. Mais il n’était pas optimal en termes de visibilité de travail en interne ou d’implication des équipes. Exit donc la roadmap trimestrielle avec des objectifs intenables, place aux cycles de Shape Up.
On parle ici non seulement d’une nouvelle orga pour l’équipe tech (3 PM, 2 designers et 15 dev’ à ce moment) mais aussi et surtout d’un changement global à l’échelle de la boîte (40 personnes).
“Tout le rythme de la boîte s’est calé sur ces cycles. Même la communication auprès des investisseurs est passée aux 2 mois en indiquant ce qui avait été traité au cours des derniers cycles”, explique Julien.
Malgré tout, chez Memo, tout n’a pas été appliqué comme dans le livre. Loin de là. Voyons ça de plus près.
1) Le strategy meeting
Première différence d’emblée : le cycle chez Memo Bank commence par la tenue d’un organe de décision (entre CEO, CTO et lead product) qui va décider des sujets qui vont être shapés.
Car chez Memo bank, la consigne est claire : tout le monde est impliqué dans le shaping. Product managers, dev’ mais aussi parties prenantes. Revers de la médaille : cela peut vite se finir en armée mexicaine avec des équipes de shapers d’une dizaine de personnes. Ou se conclure avec un trop grand nombre de projets shapés.
“Au début, on s’est retrouvé à ne pouvoir concevoir que la moitié des projets shapés. On se disait : “Pas grave, on les fera lors du prochain cycle…” Sauf que ce n’est pas vrai : tes prios et ton système évoluent d’ici là ! Donc tu as perdu du temps à discuter d’un sujet qui n’est plus valide”, témoigne Julien.
Résultat : ce strategy meeting priorise les idées de sujets à shaper, proposées par l’ensemble de la boîte (enfin, en pratique à 70% par les PM), pour ne retenir que les plus prioritaires.
2) 2 semaines de Shaping
Encore un écart ici par rapport à la méthode. Deux même. Le shaping ne dure que deux semaines. Et il ne se fait pas en Dual Track.
“On croit qu’une équipe autonome doit faire le shaping puis le building, affirme Julien. Le but, ici, c’est que tout le monde ait au moins un sujet. Et les ingés senior sont accompagnés d’un.e junior pour favoriser la montée en compétence”.
Précisons tout de même que, durant cette phase, les dev’ passent la moitié de leur temps à faire du shaping et l’autre moitié à corriger des bugs.
3) Betting Table
On retrouve ici un rituel traditionnel de Shape Up. L’organe d’arbitrage regarde les solutions proposées au sortir du shaping (centralisées sur une page Confluence et des channels Slack dédiés), évaluent les périmètres envisagés et attribuent les projets aux équipes pour les 6 prochaines semaines.
Et le lundi matin suivant, au boulot !
4) 6 semaines de Building
A noter ici la prise en compte de ce qui est appelé le “focus factor” chez Memo Bank. C’est-à-dire le pourcentage de disponibilité d’une personne durant le prochain cycle. Ce qu’explique clairement la PM Lucie Paulin dans cet article, dans les coulisses de la banque pour les PME.
Pour des managers par exemple, ce taux ne peut être de 100% étant donné qu’il y a toujours un peu de gestion à faire dans la semaine.
5) 1 semaine de cool down / test
A noter qu’à l’origine, chez Memo Bank, on avait décidé de ne pas reprendre le cool down.
“Mais au bout de quelques cycles, on s’est rendu compte que c’était juste épuisant, se remémore Julien. Donc on a ajouté une semaine supplémentaire pour, en plus, en profiter pour tester ce qu’on venait de sortir”.
Voilà ce que cela donne en image :
Dit comme ça, on a l’impression que la mise en place de Shape Up fut un long fleuve tranquille. Ce serait tout de même faire abstraction de certains arrachages de cheveux. Voici quelques limites potentielles de la méthode ou difficultés perçues qu’on a abordé avec Julien :
Quelle définition du Shaping ?
La notion de shaping fut en effet assez confuse à l’origine chez Memo Bank. “On arrivait à bien estimer notre capacité de building. Mais on avait plus de mal pour le shaping, qui est plus intangible, se rappelle Julien. Avec ces questions qui revenaient : ça veut dire quoi shaper ? C’est quoi les livrables à la fin ? Qu’est-ce que tu dois produire en deux semaines ?”
Aujourd’hui, avec le recul, voici la réponse qu’il donne :
“En fait, le livrable du shaping, c’est ni du code ni du design. Ce sont des solutions et des scénarios qui répondent à un problème, avec l’estimation du temps que l’on a envie d’y consacrer. La philosophie de base, c’est vraiment de repartir du problème et se questionner sur la meilleure façon de le résoudre. Dans un temps défini, donc en jouant uniquement sur son périmètre. Autrement dit, en se concentrant sur l’essentiel”.
Quid de l’environnement externe ?
La seule fois où Memo Bank n’a pas réussi à sortir un projet dans les 6 semaines, c’était du fait d’une dépendance externe, avec un partenaire qui ne fut pas assez réactif.
Le problème est aussi vrai à l’inverse : quand il s’agit de faire de petites actions opportunistes et très rapidement (les fameux quick wins).
“Shape Up fonctionne très bien dans un contexte donné, estime Julien. Mais la grande limite, c’est que cela ne laisse pas de place à tout l’imprévu qui peut se passer en dehors du cycle. Si une opportunité se présente subitement, tu ne pourras potentiellement pas l’étudier avant 8 semaines ce qui pose un vrai problème d’agilité”.
Une vraie difficulté quand tes parties prenantes (tes commerciaux par exemple) te demandent des nouveautés, même minimes, et que tu dois leur répondre : pas avant 2 mois…
Comment tu gères toute la logique itérative et d’amélioration en continu d’un produit ?
En effet, si tu passes d’un projet à l’autre au fil des cycles, comment tu affines ce que tu as développé en fonction des retours des utilisateurs ?
“Pour nous, cette logique itérative se produisait sur plusieurs cycles, répond Julien. Dans le premier, tu sortais ta première version. Et dans le suivant, tu la mesurais et la testais. Pour moi, c’est compatible à condition de bien caler tes plannings en amont”.
Sachant que, dans le fonctionnement de Memo Bank, cette phase de test se faisait directement durant les deux semaines de shaping. Voire dans la semaine de cool down. Et s’il y avait besoin de modifier des éléments, le projet repassait ensuite dans le cycle de building. La “track delivery” si tu préfères.
Comment accompagner le changement de mentalité que doivent adopter les dev’ ?
L’un des atouts de Shape Up, c’est l’autonomie des équipes et notamment des ingés durant la phase de building. Cela peut aussi se transformer en grand défaut quand ces derniers et dernières n’ont pas été habitué.e.s à cela par le passé.
“Chez nous, les dev’ ont toujours été super autonomes. Chez Capitaine Train, c’était même les premiers utilisateurs/trices du produit d’où leur grande implication pour résoudre leur propre problème. Mais face à des profils plus juniors ou qui n’ont pas eu l’habitude d’avoir des discussions produit et d’être impliqués aussi tôt dans la boucle, cela peut en effet rendre l’adoption de la méthode très compliquée”, estime Julien.
D’où notre petit rappel en intro sur le contexte chez Basecamp. Une boîte où tout le monde est très autonome et où les dev’ et designers ont l’habitude de trouver des solutions ensemble.
Est-ce que ça peut s’appliquer dans une petite boîte / startup ?
Alors on pose la question ici car Julien Bleton a quitté Memo Bank en juin dernier pour rejoindre une jeune Fintech, Finary, en tant que head of product. Et qu’il a proposé de passer en Shape Up !
En effet, dans une jeune entreprise qui doit construire rapidement les premières briques de son produit, les cycles de 6 semaines paraissent démesurés.
“C’est encore tout frais mais on teste actuellement 1 semaine de shaping et 2 semaines de building. Peut-être que ce sera 1 semaine / 3 semaines ou qu’il faudra ajouter un cool down… Mais je pense que ça peut marcher !”, confie-t-il.
Bilan ?
Bon, on a un peu spoilé mais si Julien a proposé Shape Up dans sa nouvelle boîte, c’est évidemment parce qu’il est convaincu de ses vertus.
“C’est une des promesses du bouquin : Shape Up permet de donner de l’autonomie aux équipes et d’inclure plus de monde en amont, indique-t-il. En tant que PM, c’est très agréable d’avoir une méthode qui favorise ça. Et de ne pas avoir à se retrouver à courir partout, à devoir être derrière le dos de tout le monde pour s’assurer que les specs sont bien comprises, à constamment être en train de demander “On en est où sur ce sujet ?”.”
Autrement dit, de ne pas être dans la production constante et pouvoir avoir des moments de réflexion. D’ailleurs, le retour dans une orga en sprint de deux semaines ne fut pas sans douleur.
“J’ai eu un peu de mal à y retourner et j’essaie d’en ressortir, rigole-t-il. Tu te rends compte de la limite de ce modèle à shiper énormément tête baissée. En termes de qualité de conception, de productivité, de communication, de passage à l’échelle, d’accumulation de dette…”
Un enthousiasme d’ailleurs communicatif. En avril dernier, il partageait son retour sur Shape Up dans un webinaire en ligne organisé par la formation Maestro.
Depuis, il voit affluer le nombre de personnes qui lui demandent son avis pour mettre en place ce fonctionnement dans leur boîte respective. De pionnier à prescripteur.
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