💡 Cet article fait partie de notre collection sur Shape Up à découvrir ici 💡
Et si tu as besoin d’un rappel sur ce qu’est Shape Up, voici la session de rattrapage.

En résumé :

  • Date de mise en pratique de Shape Up : Juillet 2020
  • Ce qu’ils ont changé : Pas de dual track Shaping / Building, Pas de Betting Table, Ajout des OKR, Ajout d’une équipe volante dédiée aux bugs
  • Les avantages de la méthode pour eux : Gains de productivité (pas d’interruption des équipes), Sorties produit plus fréquentes, Implication et responsabilisation des équipes
  • Les limites / difficultés : Gestion des bugs, Enchaînement Shaping / Building

Au printemps 2020 , il y a eu du changement dans les cuisines de LaFourchette, la plateforme de réservation en ligne de restaurants. Un nouveau nom en France et en Suisse (TheFork). Et une toute nouvelle orga produit et ingénierie avec notamment un nouveau Chief Product Officer (lui). 

Avec l’objectif de résoudre des problèmes qui vont vraisemblablement parler à beaucoup de boîtes :

  • Une roadmap dictée par des parties prenantes multiples et des PM qui font plus de la gestion de projets pour délivrer de la fonctionnalité que vraiment du produit
  • En conséquence : des solutions développées qui ne correspondent pas exactement aux besoins du client.
  • Et en conséquence : de la frustration parmi les équipes dans cette position d’exécutant. 

“On discutait des solutions sans leur contexte ni la problématique de fond. On a donc sorti comme ça plein de produits qui, certes, cochaient toutes les cases demandées, mais ne répondaient pas tout à fait au besoin client. Donc il fallait ajouter des fonctionnalités supplémentaires pour que cela fonctionne”, illustre Olivier Versanne, Engineering Director pour l’équipe dédiée au logiciel pour les restaurants (40 personnes au total réparties dans 4 sous-équipes, sur un total de 140 au produit / ingénierie à l’échelle de la boîte). 

L’inspiration de la nouvelle orga vient notamment des écrits de Marty -Dieu- Cagan, mais aussi de Shape Up, venu un peu par hasard au fil de la recherche du CPO. “On a lu le bouquin et plusieurs aspects nous ont plus dedans”, se rappelle Louis Vernhes, Product Director lui aussi sur la partie Restaurant.

La transition, elle, s’est faite d’un coup.

“En juillet 2020, on a fait le changement d’orga et la mise en place de Shape Up en même temps. On a un peu bricolé pour le 1er cycle sur l’été mais le changement de rythme n’a pas été la chose la plus compliquée”, témoigne Louis.

Shape Up façon TheFork

Concrètement, ça ressemble à quoi Shape Up aujourd’hui chez TheFork ? Déjà, ils ont gardé le cycle des 6 semaines + 2 semaines de cool down. Un rythme qui revêt plusieurs avantages selon Louis Vernhes :

“Déjà, tu as des projets qui sortent concrètement à la fin. Ensuite, c’est clair : 1 cycle = 1 équipe = 1 focus. Tu sais que telle équipe va travailler 6 semaines sur tel objectif. Et que tout le reste n’a pas sa place”. “On est moins parasité par des petits sujets, c’est vraiment un énorme gain !”, renchérit Olivier.

Ce dernier apprécie également l’esprit pragmatique de cette façon de travailler : “On ne va plus trop s’attarder sur le moindre petit détail. On a 6 semaines, pas plus. Si on veut aller plus loin, il faut avoir un solide business case face aux autres priorités. Même si cela reste parfois perçu comme des raccourcis par des ingés”.

Par ailleurs, les équipes sont moins polluées par la gestion du backlog.

« Évidemment, on garde en tête certains sujets historiques, précise Louis. Mais il n’y a aucune notion d’obligation. On reste libre des sujets à aborder. Nous, on gère ce qu’on appelle des slots, c’est-à-dire une unité de temps 1 cycle / 1 équipe. Il y en a un nombre limité dans l’année”.

Une méthodo revisitée par TheFork

Toutefois, tout n’a pas été repris exactement comme dans le bouquin. En premier lieu la notion de Dual Track. Chez TheFork, le Shaping et le Building se déroulent au sein de la même équipe durant le cycle. Plus précisément : les ingés ne sont pas interrompus mais ce sont les PM et les EM (engineering manager) qui font du shaping ET du delivery. Pour une question de contrainte de ressources mais aussi de philosophie.  

“Personnellement, j’aime bien quand les personnes qui shapent soient aussi celles qui délivrent. Cela favorise la responsabilisation”, estime Louis. Un avis partagé par Olivier :

“Cette scission n’est pas la partie que je préfère dans Shape Up. Ca entre un peu en contradiction avec la notion de Empowerement de Marty Cagan. Moi, à la fin, je veux que les ingés soient capables de résoudre des problèmes. Pas juste qu’ils ne fassent que pondre du code, ce qui ne correspond qu’à 50% de leur potentiel”.

Autre rituel passé à la moulinette : la betting table. “On ne l’a pas repris car, compte tenu de la maturité de notre produit, on a une vision assez claire de ce que l’on doit faire et on n’a pas d’arbitrages hyper ouverts à faire. Ça n’aurait pas de sens de faire shaper des gens sur des sujets dont on sait pertinemment qu’ils ne seront pas retenus,” explique Louis.

Parmi les petites touches spéciales ajoutées chez TheFork, on notera les OKR, déployés il y a plus d’un an à l’échelle de la boîte, qui se retrouvent aussi dans chaque cycle. Louis Vernhes s’explique :

“Les OKR sont juste un langage. C’est une façon d’exprimer l’objectif que l’on veut atteindre à chaque bet. On pourrait faire sans mais on trouve que c’est la meilleure façon d’exprimer la responsabilité des équipes sur les résultats. C’est le même nom mais c’est bien entendu différent des OKR globaux de la boîte.” 

Olivier ajoute aussi que certaines équipes font encore du Scrum au sein des cycles. Ce n’est pas incompatible : “Elles s’organisent comme elles veulent. On laisse volontairement la liberté”.

Une recette encore à affiner

Si globalement Louis et Olivier sont très satisfaits de la mise en place de Shape Up, ils concèdent malgré tout quelques points à améliorer.

La gestion des bugs et du cool down plus globalement

En théorie, la résolution des bugs se fait durant la phase de cool down. Dans les faits, c’est difficilement réaliste chez TheFork. “On respecte la méthode au sens où l’on interrompt le cycle qu’en cas de bugs critiques. Mais on a dû toutefois créer une équipe tournante de 4-5 personnes qui travaillent en continu dessus. On n’arrivait pas à tous les inclure dans le cool down”, avertit Louis. 

Cette période est aussi le moment de prise en compte des petites demandes des parties prenantes. Des petites tâches pas du tout abordées dans le livre.

“On se retrouve à chaque cool down avec 5 ou 6 sujets de business support qui prennent un ou deux jours de travail d’ingé. On ne peut en effet pas dire aux parties prenantes : “On ne le fera jamais”. Mais on s’éloigne un peu de l’esprit initial qui est de laisser le temps aux équipes de consolider ce qui a été fait et d’avoir le temps de faire de la veille et de la recherche. En plus, cool down c’est un nom qui fait un peu vacances auprès des autres équipes !”, sourit Louis. 

La gestion shaping / building

Le dilemme ici chez TheFork, en l’absence de Dual Track : comment réussir à shaper et à concevoir pour une même équipe durant le cycle ? Sachant que, “Si tu ouvres ton cycle sans avoir fait de shaping avant, donc que tu ne sais pas ce que tu vas faire, c’est impossible de sortir quelque chose en 6 semaines”, indique Olivier. Mais sachant aussi que les personnes qui shapent ont besoin de l’aide des ingés parfois pour connaître la faisabilité technique d’une solution envisagée… alors qu’ils sont censés ne pas les interrompre ! 

Une idée testée récemment : sanctuariser les vendredi après-midi pour ce moment d’échange entre PM et dev’. “On teste cette solution car on galère à impliquer les ingés dans la partie Shaping. Et que l’on finit souvent d’écrire l’OKR du projet la première semaine du début de cycle…”, concède Louis.

“On se pose aussi la question de diminuer la présence des PM dans le delivery. Comme c’est d’ailleurs écrit dans Shape Up avec les ingés qui s’attribuent les tâches”, ajoute Olivier. 

Résultat gourmand croquant attendu dans les prochaines semaines…