23 conf’, 31 speakers, plus de 12h de réflexions produit, 850 participants… Après 3 ans d’absence, La Product Conf était de retour en force le 9 juin dernier. Voici notre petite sélection des moments forts – forcément très subjective.

Durant la Belle Epoque, le Trianon était l’une des scènes de production de contorsionnistes ou de danseuses de cancan tels Mistinguett, La Goulue, Grille d’égout ou Valentin le désossé. Le music-hall et l’opérette ont aujourd’hui laissé place au… product management. Autre temps, autre joyeuseté (et autres noms d’artistes !).

La salle de spectacle parisienne, dans le 18e arrondissement, était en effet le théâtre de LPC, “la grande cousinade du produit français”, pour reprendre la savoureuse expression de Marine-Aline d’Agicap, produit par Thiga.

Sous les grandes arches du lieu, un parterre de gens de l’écosystème, tout heureux de se retrouver “en vrai”. Et de déguster une série d’interventions bien copieuse… dont tu pourras retrouver les vidéos en ligne dans quelques jours/semaines.

La Product Conf 2022 Scène principale

D’ici là, voici un avant-goût, basé sur les quelques notes qu’on a griffonnées dans notre petit calepin.  

1. Le mot : Sabotage

Amandine Durr, chief product officer de BackMarket, avait pour lourde responsabilité d’ouvrir le bal – et de réveiller les personnes n’ayant pas eu la patience de faire la queue pour la machine à café. Mission accomplie pour cette grande passionnée de ballets : sa keynote a été l’une des plus inspirantes auxquelles on a assisté (et on n’est pas les seuls a priori).

Son propos ? Comment créer de l’émotion à travers son produit. Sa façon d’y arriver : définir une North Star Value (en référence à la North Star Metric qu’on utilise généralement quand on parle stratégie). C’est-à-dire une valeur qui guide toute la narration du produit. Et qui va refléter la perception générale des utilisateurs quand ils vont l’utiliser.

Plus elle est cohérente et partagée au-delà de l’équipe produit et plus elle est puissante auprès des utilisateurs. Logique : si votre expérience dans le produit ne se reflète pas dans vos emails ou vos campagnes publicitaires par exemple, l’effet tombe un peu à l’eau. “Les bons produits répondent aux problèmes des utilisateurs. Les très bons produits répondent aux problèmes des utilisateurs et créent un lien émotionnel avec eux”, indique-t-elle.

Les North Star Value de Airbnb : la flexibilité et le rêve. Celle de Spotify : la découverte. Et celle de BackMarket ? “Sabotage” ! Les flibustiers de la licorne française veulent ainsi transgresser et casser les codes de l’e-commerce et du marché du neuf (même si ça ne plaît pas trop à l’UFC-Que Choisir visiblement). Celles et ceux qui ont lu le 1er numéro de l’histoire du Ticket sur l’UX Writing se rappellent sûrement de la force de BackMarket dans le décalage des textes présent dans le produit. 

“Mais ce n’est pas qu’une question de copy, c’est systématique. Le ton est cohérent partout, avec la création fréquente de surprise dans le parcours des utilisateurs”, précise Amandine.

On pense notamment au paiement en papier toilette au plus fort du 1er confinement. Elle évoque également le manuel de discovery de la boîte qui, en dernière question, requiert de se poser la question de la petite touche BackMarket à ajouter en supplément d’âme.

On se prête au jeu ? Notre North Star Value au Ticket, on l’a déjà dit, c’est PMPC : Pertinent Mais Pas Chiant. Et toi, dans ta boîte, c‘est quoi ?

2. La petite phrase entendue dans les couloirs : 

“Les mecs ils ont 20 ans et ils mettent CPO comme titre sur leur badge” 😂 

3. La conf’ WTF :

Malheureux concours de circonstance, n’y vois aucune passion scatologique douteuse, mais après le PQ de BackMarket, passons aux toilettes d’April Dunford. L’autrice américaine d’Obv!ously Awesome et experte du positionnement en B2B, a en effet commencé son intervention, donnée sur le thème “How to craft a product story that sells ?”, par nous parler… de la difficulté à choisir ses WC dans sa nouvelle maison de Toronto !

Aucun lien, j’suis fils unique ? Et bien non : pour elle, vendre est difficile… mais acheter l’est parfois tout autant ! C’est en tout cas ce qu’elle s’est dit quand elle s’est retrouvée face à des rangées de toilettes dans un magasin, avec des prix allant du simple au double. Mais… pourquoi et quelle différence entre elles ?

Une situation qui l’amène à aborder la notion de “considered purchase”, lorsqu’une décision d’achat complexe implique un haut niveau de risque ou de récompense (financier ou émotionnel). Dans ce cas de figure, le ou la vendeur/euse (ou responsable produit B2B par extension) ne doit pas avoir une posture de commercial.e mais de guide. Et adopter un “point of view pitch”.

April Dunford est Obv!ously Awesome 

Traduction : un POV pitch…

  • commence par la compréhension de la situation de l’acheteur
  • reconnaît que les acheteurs ont le choix
  • communique avec succès les avantages et les inconvénients de chaque approche pour différents types de clients
  • et décrit la valeur unique que son entreprise apporte à l’acheteur

Dit autrement, il faut accepter de citer la concurrence, car l’utilisateur ne vit pas en vase clos et y est directement confronté. Mais savoir malgré tout se positionner par rapport à elle. Le positionnement, c’est ce qui va aider l’utilisateur (et futur acheteur potentiel) à faire le meilleur choix et à l’expliquer à ses parties-prenantes voire responsables.

Elle cite l’exemple de LevelJump qui a illustré brillamment cela en se positionnant (en haut forcément) comme si le marché était la carte d’un grand magasin avec une catégorie de produit par étage. En prenant soin de ne pas se situer au même niveau que Salesforce, avec qui elle était fréquemment comparée. Avoue que c’est quand même limpide pour faire son choix en tant qu’acheteur.

RDV au 3e étage

Et pour ses toilettes ? Elle est tombée sur une personne qui lui a posé les questions suivantes : c’est pour une maison principale ou secondaire ? Vous avez de la place ou pas dans votre pièce ? Vous souhaitez du confort ? Voilà, il vous faut l’un de ses deux modèles.

4. L’avis complémentaire :

Celui de Rémi Guyot, le CPO de BlaBlaCar et auteur de Discovery Discipline, tu sais le bouquin dont personne ne parle en ce moment. Il a fait son petit recap’ perso sur Linkedin (que voici) et on reprend ici son 1er point, basé sur les interventions de Marc-Antoine Lacroix (Qonto) et Alexis Fogel (Dashlane / Stonly) :

Lorsque vous créez une entreprise, vous ne pouvez pas construire votre vision en une seule fois. Vous devez vous attaquer à un cas d’usage, puis vous étendre à d’autres cas d’usage par la suite. Mais comment éviter de sur-optimiser ce premier cas d’usage au détriment de ceux à venir ? En répétant constamment l’articulation entre votre vision (tous les cas d’usage) et votre stratégie (par laquelle nous commençons).

5. La discussion VDM :

– “J’ai entendu que tu étais journaliste pour Le Ticket. J’adore vraiment ce que vous faites !”

– “Ah, merci…” 

10 min de discussion. Puis vient le moment de se quitter :

“Vraiment, continuez, je ne manque aucun de vos podcasts !”

– “Euh… On vient juste de sortir le 1er…”

– “Ah, mais je confonds avec Clef de Voûte en fait ! Moi, les newsletters je lis pas trop…”

#SEUM

6. L’activité inattendue : La conf’ mi conf’ mi sauna

LPC 2022, c’était trois salles, trois ambiances. La petite dernière, qui accueillait les tables rondes, a clairement été victime de son succès. Faute d’avoir pu nous faufiler pour les premières de la journée, on a tout misé sur la dernière, sur les thèmes du « Discovery & Delivery” (bon, le premier a clairement volé la vedette au second en fait). 

Nous n’étions pas les seuls… d’où un mercure bien au-dessus des normales de l’événement.

Mais sans regret ! Moments choisis glanés de la bouche des spécialistes du sujet :

  • “La delivery fonctionne avec une forme de rythme et de cadence. Il faut en faire de même avec la discovery en actant des rituels périodiques […] La discovery doit plus être considérée comme un état d’esprit qu’un projet” (Axel Sooriah, créateur du podcast Product Squad et du studio de product discovery Panash)
  • “On pense que la discovery prend trop de temps et ralentit l’exécution. Alors que c’est l’inverse ! J’ai l’exemple d’une fonctionnalité qui avait pris beaucoup de retard et ne marchait pas… notamment car on n’avait pas pris le temps de mener ce travail de discovery en amont. C’était mon meilleur argument pour en faire systématiquement : avec une bonne méthode, on a une meilleure prédictibilité de ce qui va se passer” (Laure Nilles, Head of product de Yousign)
  • “Aucune discovery n’aurait permis l’émergence de BlaBlaCar. L’exploration d’un MVP aurait reçu très peu d’enthousiasme tellement les barrières étaient nombreuses. Il a fallu une foi inébranlable des fondateurs. Ca n’invalide pas toutes les vertus de la product discovery… Mais cela remet les choses à leur place : la discovery n’est ni une religion ni la vérité absolue mais cela enrichit la réflexion. Et dans la durée, ça paie” (Rémi Guyot, déjà cité plus haut)

On a aussi beaucoup aimé la dernière intervention de ce dernier : “Faut pas aller trop loin dans le délire de l’itération infinie. Si ton KPI de succès est atteint, bè c’est bien en fait ! Tu peux passer à autre chose”. CQFD.

7. Le dessin :

Une image vaut mieux qu’un long discours ? Ouais, t’as raison. On se tait et on laisse l’espace à Matthieu de France TV et Antoine de Yousign qui ont croqué LPC avec un talent certain.

Bon, comme nous n’avons pas le don d’ubiquité (et qu’on a pas mal papoté aussi à côté), on ne peut évidemment pas te parler de l’intégralité des interventions. C’était vraiment en guise de petite synthèse rapide… et de mise en bouche avant la rediffusion en ligne !