En février dernier, Thomas Vuchot nous racontait sa vie de 1er Product Manager de la banque en ligne Qonto. Il en était à son passage de head of product de l’équipe à Principal PM… avant qu’on ne le coupe ! On attendait le lancement de notre dossier sur les contributeurs individuels dans le produit. Voici donc (enfin) la deuxième partie de son histoire. 

Retrouve notre dossier sur les 1er PM ici, celui sur les parcours carrière ici et le dernier sur les contributeurs individuels ici.

Thomas, après ton arrivée en tant que 1er PM, tu occupes le rôle de head of product de Qonto pendant deux ans et demi. Avant de basculer sur une trajectoire de contributeur individuel en devenant Principal PM. On va revenir sur ce titre mais, au préalable, peux-tu nous raconter comment cela s’est passé ?

Thomas Vuchot : La croissance était toujours plus intense et le CTO de Qonto, qui venait du monde du lean et avait fait un super boulot pour réussir à scaler l’équipe tech, est passé CPO pour faire la même chose au produit. Personnellement, je voyais cela d’un très bon œil.

Et la question s’est naturellement posée pour moi : soit je continue à faire du management en tant que head of product, soit on envisage autre chose. Sachant que lui, comme il n’avait pas la casquette produit, avait besoin d’un expert produit à ses côtés. C’est comme cela que l’on a créé ensemble ce rôle de Principal PM, en le basant sur trois axes principaux :

  • L’accompagnement sur la stratégie produit
  • L’aide sur la définition de nos standards de travail et la création d’un plan pour coacher et faire progresser nos PM
  • L’exécution produit sur des sujets complexes ou transverses, dans lesquels ça aide de très bien connaître Qonto
Thomas Vuchot
« En France, on a toujours cette perception d’un plus grand prestige pour la voie managériale. » (Thomas Vuchot) – Source de l’image : Medium de Barbara Vogel

Franchement, quelle était ta réaction à l’origine ?

T.V. : Je dois admettre qu’au départ, mon égo me faisait dire : “Put***, ça fait chi** !” Head of Product de Qonto, ça se vend super bien sur Linkedin”

Mais très vite, j’ai réalisé 1) que je ne faisais quasiment plus de produit et 2) que je n’étais pas loin d’être cramé quand même après toutes ces années de boulot bien denses ! C’était ainsi une super opportunité de refaire des choses qui me plaisent au quotidien comme… du produit !

D’autant que j’ai pu participé très proactivement à la définition de mon nouveau rôle, en essayant de lister les compétences sur lesquelles je voulais progresser. Comme la communication par écrit en anglais, la vision stratégique et le coaching produit par exemple.

Est-ce que tu avais déjà entendu parler de ce rôle de Principal PM auparavant ?

T.V. : Je dirais juste par le biais de préjugés… Pour moi, c’était plutôt une voie de garage. En France, on a toujours cette perception d’un plus grand prestige pour la voie managériale.

Depuis, j’ai vraiment changé ma vision et ce n’est plus du tout une inquiétude : je sais que je pourrais tout à fait reprendre un rôle de manager à l’avenir et expliquer et vendre cette expérience.

D’ailleurs, je reçois beaucoup de messages de gens qui me demandent s’ils ne vont pas endommager leur carrière en devenant contributeur individuel. Ma réponse est clairement non ! Au contraire. Je le vois chez Qonto : on a besoin de seniors qui ne font pas que du management, mais aussi du produit. J’imagine que c’est vrai dans toutes les boîtes.

« Je pourrais parler des heures de l’impact que l’on peut avoir en tant que contributeur individuel et de l’importance de l’expertise dans une orga produit« 

Thomas Vuchot

Tu te revois tout de même manager un jour ?

T.V. : Tout est question de contexte. Aujourd’hui, le fit est idéal pour moi. Honnêtement, je pense que j’ai apporté plus de valeur dans ce rôle à Qonto que si j’étais resté head of Product. Je suis 1 000 fois plus satisfait de ce que je fais aujourd’hui et cela m’excite beaucoup plus. 

Je pourrais parler des heures de l’impact que l’on peut avoir en tant que contributeur individuel et de l’importance de l’expertise dans une orga produit.

Bon, rentrons dans le concret du poste. Que fais-tu en tant que Principal PM ?

T.V. : En résumé, je passe à peu près un temps équivalent sur chacun des 3 axes que j’évoquais au début. Prenons le côté expertise et exécution produit : le CPO peut me donner n’importe quel sujet et me le déléguer totalement. 

Exemple très concret : mon tout 1er sujet était la refonte de notre modèle de pricing. Un sujet en soi hyper casse-gueule car il mêle toutes les équipes et tout le monde a un avis sur la question. Il y avait donc beaucoup d’alignements à créer. C’est un projet qui a pris 9 mois et sur lequel j’étais en lead. 

Tu as bossé seul dessus ?

T.V. : Au début, pour définir le modèle de pricing, la timeline et faire le travail de recherche, oui. Mais, ensuite, j’ai recruté une équipe de PM et de dev’, que je me suis mis à gérer. Jusqu’à ce que le projet sorte et qu’il fasse ses preuves. L’équipe pricing existe d’ailleurs toujours aujourd’hui.

J’ai ainsi monté 4 squads comme cela l’an dernier. Sur le même modèle : je la crée puis j’y associe un.e PM. Et je reste jusqu’à ce que la situation soit suffisamment stable.

Et les 2 autres axes, formation et stratégie ?

T.V. : Et bien typiquement, je passe pas mal de temps en ce moment sur le plan de formation des PM. En gros, je gère toute la partie knowledge interne, en créant des formations, des ateliers et les supports pour les animer.

Sur le volet stratégie, je dirais que j’agis un peu comme un consultant. Je fais le lien entre les différentes équipes et m’assure qu’il y a de la cohérence. Le responsable, c’est évidemment le CPO. Moi, je suis le messager et le garant en quelque sorte.

Quelle est la perception en interne des autres PM sur ton rôle ? Est-ce que tout le monde comprend ce que tu fais ?

T.V. : En toute franchise, je pense que mon rôle est extrêmement peu clair pour les autres. Beaucoup de gens doivent se demander ce que je fous ! (rire)

Je suis un peu comme un ninja : un peu partout mais nulle part à la fois. Il faut que je sois capable de sauter sur n’importe quel sujet si besoin. Si je vois un projet qui part en cacahuète, je peux dire stop. Sans qu’il y ait débat. On travaille en grande confiance avec le CPO. 

As-tu un dernier mot à la communauté à propos de ce rôle relativement méconnu de Principal PM ? (et potentiellement à tes collègues si on comprend bien…)

T.V. : Je pense que le problème est que le prestige revient toujours au management et que cette perception est entretenue par les grands groupes. 

Ce qui me fait dire une chose : les gens qui veulent apporter de la valeur, travailler sur des sujets qui les passionnent mais sans être sous le feu des projecteurs : c’est un rôle de contributeur individuel qu’il leur faut. En ayant bien à l’esprit, par contre, que cela ne flattera pas autant leur égo !


Retrouve la 1ère partie de l’entrevue avec Thomas ici :