Deuxième volet de notre dossier sur les parcours carrière dans le produit, avec l’entrevue d’Olivier Courtois. L’auteur de la newsletter Productverse et fondateur d’un nouveau projet en cours de création (Uku) avait en effet mis en place un parcours carrière dans sa précédente expérience. Il nous raconte.

Salut Olivier. Durant ton expérience de VP Product chez Comet, en 2019, tu avais créé un document (que voici) qui peut s’apparenter à un parcours carrière. Tu peux nous expliquer sa genèse ?

Olivier Courtois : Dans mon expérience précédente chez ManoMano, on connaissait une croissance très forte et de nombreux recrutements. Il était donc important d’avoir un parcours carrière.

Je me suis ainsi librement inspiré du modèle qui existait ainsi que des discussions que j’ai eu avec Pierre Fournier (le CPO de ManoMano de l’époque), Arthur Rougier (le CPO de Jobteaser) ou des travaux de Ravi Mehta sur le sujet.

Chez Comet, l’équipe était plus réduite et la croissance moins élevée que chez ManoMano. Mais je voulais mettre en place cet outil pour clarifier deux choses importantes :

  1. Comment on mesure la performance dans la boîte ?
  2. Et quelles sont mes attentes en tant que manager auprès de mon équipe ?

En effet, un parcours carrière permet certes de baliser un cheminement et de faire comprendre la progression qu’il est possible d’avoir dans une boîte. Mais, plus intéressant encore, cela donne un cadre de mesure de la performance objectif. Associé à un rituel régulier, cela permet d’aider son équipe à progresser plus vite.

Autrement dit, de savoir ou est-ce que les personnes sont attendues et, au final, qu’est-ce que cela veut dire de faire du produit dans cette boîte ? La réponse peut en effet être extrêmement différente en fonction des leaders ou des orgas.

Crédit : Olivier Courtois

Tu es parti sur un modèle sur Excel. Comment l’as-tu conçu ?

O.C. : Franchement, je n’ai pas d’avis particulier sur le format. J’ai choisi Excel car c’est très versatile et rapide. 

Le cœur du document est l’onglet “Grid”. On y retrouve les différents niveaux de séniorité ainsi que mes attentes à chaque stade, sous la forme de grandes thématiques découpées en 3 sous-parties, elles-mêmes scindés en 5 lignes maximum.

J’ai essayé de créer un certain formalisme pour que cela soit simple à comprendre et facile à utiliser avec des cases à cocher correspondant à mon niveau d’attente, en fonction du niveau d’expérience de chaque membre de l’équipe. 

Cet onglet a été construit essentiellement par moi car il exprime mes attentes et là où j’attend mon équipe d’une certaine façon. Je suis évidemment parti du contexte et des enjeux de la boîte du moment. Il est donc très spécialisé pour le Comet d’il y a 3 ans.

Crédit : Olivier Courtois

Bien entendu, cela ne donne qu’une lecture simplifiée de la réalité. En plus du parcours carrière, il est intéressant de prendre en compte d’autres dimensions comme le niveau d’expérience, autrement dit l’impact espéré d’un point de vue stratégique, ou le produit sur lequel tu travailles. 

Comment tu l’utilisais concrètement ?

O.C. : En plus du “Grid”, il y a également un onglet « Assessment » dans le document. Au début de la relation, je demande en effet aux personnes de l’équipe de s’auto-évaluer sur cette grille. 

Moi ce qui m’intéresse, c’est de voir comment ils s’auto-évaluent et surtout de comprendre pourquoi. Cela permet de voir rapidement les tempéraments et d’avoir une base de discussion.

Ensuite, on se servait de cet outil lors des revues de performance à chaque trimestre. L’auto-évaluation ne portait pas sur toute la grille à ces moments mais plutôt sur trois points sur lesquels on voulait se concentrer et qui nous semblaient importants.

Au-delà de donner de la clarté sur l’évaluation de la performance, moi, cela m’aidait à donner du feedback précis et actionable. Quand je voyais certaines choses au quotidien, je prenais des notes. Evidemment, je donnais mon feedback en direct pour aider. Mais, au moment des rencontres de performance trimestrielles, on avait des discussions intéressantes sur des éléments concrets. C’était beaucoup plus efficace et porteur de valeurs.

Crédit : Olivier Courtois

Est-ce que tu te servais de cette grille pour les promotions ou les augmentations de salaire ?

O.C. : En effet, je viens de parler du premier volet de cet outil qui est la montée en compétences. Mais cela a aussi une fonction de plan de carrière. Là, ça dépend vraiment des boîtes. 

Chez Comet, on avait un budget et une campagne de réévaluation annuelle. Et, en se basant sur la grille, si force était de constater que telle ou telle personne avait pris du niveau et que c’était le bon moment pour la faire monter, indépendamment des autres membres de l’équipe, alors on le faisait.

Avec du recul, est-ce que tu referais les choses différemment ?

O.C. : Très objectivement, il manque pas mal de dimensions dans ce document. Je me répète mais il faut vraiment adapter ce type d’outil au contexte de l’orga et du produit.

Par exemple, je ferais apparaître a minima deux parcours. L’un axé sur le management. Et l’autre basé sur l’expertise avec la notion de contributeur individuel ou de super PM. Ce sont clairement deux voies différentes. Mais chez Comet, l’équipe était trop petite pour envisager un parcours “management”.

Je mettrais aussi plus l’accent sur les soft skills et j’ajouterais des thématiques qui ne correspondaient pas à des enjeux forts du moment chez Comet mais qui sont importantes en soi comme le product marketing, la growth, l’éthique, etc.

Crédit : Olivier Courtois

A quel moment faut-il mettre en place un parcours carrière selon toi ?

O.C. : Je reviens sur la distinction évoquée plus haut sur les 2 facettes de cet outil. La première, c’est la clarification des attentes et l’évaluation objective pour s’améliorer. Cette partie est utile le plus tôt possible.

La 2e, c’est le plan de carrière et ça, ce n’est pas utile avant le product market fit. Moi, je n’ai pas de fichier comme celui-là chez Uku actuellement et je ne me pose pas du tout la question.

Ensuite, à partir du moment où ton produit et la société grandissent, tu vas commencer à attirer des gens d’horizons différents dans l’équipe, qui sont là pour un moment et veulent néanmoins construire une carrière. Tu vas donc avoir besoin de jalons pour qu’il y ait des opportunités de progression. Ce fichier te sert à donner de la vision en tant que manager.

C’est aussi une phase où tu commences à avoir besoin de normer les choses. Surtout si tu envisages une croissance forte. Mais franchement, ce n’est pas difficile. Tout le monde a le même schéma de progression qui vient des US (Associate PM, PM, PM senior, Lead PM etc.). Donc ce n’est pas là où tu vas pouvoir innover.

Enfin, j’aimerais ajouter une dernière chose : les modèles sont moins importants que les rituels que tu crées autour ! La réalité, c’est que, comme pour beaucoup d’outils, il faut se poser la question de comment tu vas l’utiliser dans le quotidien pour aider ton équipe à avoir le meilleur impact possible. Car dans la vie, on peut tout évaluer en soi !


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