Ancienne créatrice de l’équipe Account Management, Sophie Peyrat-Forestier est aujourd’hui Directrice du Product Marketing chez Lucca, l’éditeur de logiciels RH. Elle raconte comment son équipe s’apprête à passer de 2 à 15 Product Marketing Managers en deux ans.

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🔗 Cet article est l’épisode 4 de notre Collection « Product Marketing – Découvrir les fondamentaux »

Salut Sophie. Un petit mot pour commencer sur ton parcours. Qu’est-ce qui t’a amené au product marketing ?

Sophie Peyrat-Forestier : J’ai rejoint Lucca côté Sales, en tant que chargée de comptes afin de développer les ventes additionnelles (cross-sell et upsell). Puis, j’ai rapidement été amenée à monter le département Account Management de l’entreprise, en passant de 0 à 20 personnes en 3 ans.

Puis, début 2022, j’ai rejoint une fonction qui venait d’apparaître dans la boîte : le product marketing. C’était loin d’être un hasard.

« Pour moi, les PMM sont les bras armés des PM » (Sophie Peyrat-Forestier)

Pourquoi ?

S. P.-F. : En tant que directrice Account Management, je pilotais les lancements produit envers les clients. J’en ai fait beaucoup, cela se passait très bien d’un point de vue business… mais c’était nettement plus compliqué en interne ! Autant dans la vie de l’équipe que de la charge de travail et de la compréhension entre le produit et le business. J’avais l’impression d’être face à des interlocuteurs très techniques.

Tu parles des gens du produit ?

S. P.-F. : Oui, notamment. Sur un lancement produit, je trouvais que les PM restaient généralement trop centrés sur les fonctionnalités. En mode : cette fonctionnalité, on l’a; celle-ci, on va l’avoir bientôt etc.

Mais cela ne répond que trop partiellement à notre besoin aux ventes. Nous, on a besoin de savoir par où va entrer le lead ? Comment on lui présente la solution ? Est-ce qu’il y a un espace de démo ? C’est quoi les avantages et le storytelling à mettre en avant ? 

En intégrant le product marketing, j’ai eu l’opportunité de mettre de l’huile dans les rouages entre ces deux équipes.

La fonction product marketing existait-elle déjà chez Lucca ?

S. P.-F. : Il y avait une personne qui travaillait sur ce qu’on appelait le Product Launch Management (PLM), une sorte d’embryon du poste de Product Marketing Manager. Mais elle était seule alors que nous avons 14 solutions différentes… dont cinq qui sont sorties ces dernières années. Et je ne parle pas des nouvelles fonctionnalités pour chacune ! C’était complètement sous-dimensionné.

Assez rapidement, on a aussi réalisé qu’il n’était pas juste question de lancement produit mais qu’on parlait plus globalement d’une meilleure articulation entre le produit, le marketing, le business, le support clients etc. On a donc ouvert un poste de PMM sur les solutions qui en avaient le plus besoin… mais il y a eu un effet boule de neige et toutes les autres ont levé la main pour avoir leur PMM aussi !

Pour donner un peu de contexte, on compte 6 Business Units (BU) chez Lucca et 14 solutions donc. On est passé de 2 PMM l’an passé à 10 aujourd’hui et potentiellement 15 d’ici la fin de l’année. Ça marche tellement bien, pourquoi s’en priver !

Impressionnant la vitesse de ce passage à l’échelle. Qu’est-ce qui a justifié que vous mettiez à ce point l’accélérateur sur cette fonction product marketing ? 

S. P.-F. : Je dirais qu’il y a deux raisons. D’une part, on a un PDG très tourné vers la nouveauté. On a lancé deux nouveaux produits l’an passé, deux sont prévus cette année, on a des grosses fonctionnalités qui sortent tous les mois pour chaque soft… Ce qui fait beaucoup de choses à actualiser et de connaissance interne à diffuser.

Ensuite, on est une entreprise qui a grandi relativement vite à notre échelle. Il y a 5 ans, on était 70. Aujourd’hui, on est 500. Cela sous-entend que les équipes, entre grands départements, se connaissent de moins en moins et comprennent moins les process des uns et des autres.

Ce qui amène son lot de frictions, comme je l’ai expliqué par exemple entre le produit et le business. C’est là où le Product Marketing est très utile : on permet de faire ce trait d’union. D’autant que, jusqu’à présent, l’équipe PMM était constituée de personnes, comme moi, venant de mobilité interne – on a commencé à recruter à l’externe cette année. Cela veut dire qu’il y a tout de suite une valeur ajoutée très forte pour recoller les équipes et fluidifier le processus de communication. 

Personnellement, par exemple, je sais de quoi les account managers ont besoin et je sais qui sont les personnes à contacter dans leur équipe. C’est un vrai cercle vertueux : le marketing communique mieux sur le produit, les vendeurs font plus de chiffre d’affaires et le produit est plus utilisé.

Tu ne viens pas du produit comme tu l’as dit. As-tu dû faire une mise à niveau pour endosser cette casquette de Product Marketing Manager ? 

S. P.-F. : Oui, j’ai eu beaucoup de rattrapage à faire sur la partie produit. Je disais précédemment que les interlocuteurs étaient trop techniques quand j’étais au business… ils n’ont pas changé quand je suis arrivée ! J’ai donc dû apprendre rapidement le vocabulaire en notant tous les mots employés que je ne connaissais pas.

J’ai aussi mieux compris le fonctionnement d’une roadmap, en voyant ce qui avait été décidé ou écarté. J’avais toutefois la chance de faire partie de la boîte depuis un petit moment donc je maîtrisais bien l’activation de la solution. Finalement, le fait d’être rattachée à l’équipe produit et de participer à tous les daily meetings et les rituels m’a permis de me mettre rapidement dans le bain. J’ai aussi participé à une formation en product management chez Hubvisory.

Côté marketing, j’ai moins souffert car, ayant fait une école de commerce, je disposais des bases. Aussi, nous avons un service marketing très fort chez Lucca et, en tant que PMM, on n’est pas en première ligne sur ces sujets. Par exemple, on propose des articles pour la newsletter qui sont relus par le marketing, on ne s’occupe pas des campagnes marketing et SEO etc.

La sempiternelle question : le Product Marketing, côté produit ou côté marketing selon toi ? 

S. P.-F. : Chez Luca, chaque Product Marketing Manager est rattaché·e à une équipe produit. Moi, comme je suis en transverse, je fais partie du département Ops.

Mon sentiment, c’est que les PMM vont travailler avec tellement d’équipes différentes (le produit, les sales, le marketing) que, légitimement, ce rôle peut se situer au sein de plusieurs d’entre elles. En fait, la vraie question à se poser, c’est : où est-ce que l’information bloque ? 

Chez nous, elle avait du mal à partir de l’équipe produit, qui, même avec un mégaphone, n’arrivait pas à toucher grand monde. D’où ce besoin d’avoir une aide. Mais si on avait eu du mal à diffuser en externe ce que fait le produit, il aurait été plus intéressant de l’envisager côté marketing.

En résumé, soit il y a un enjeu de communication interne, dans ce cas, les PMM doivent se situer côté produit. Soit de communication externe, et c’est mieux d’être au marketing.

Mais en vrai, son rattachement, c’est sur le papier. Car si le product marketing manager a les deux dans son intitulé, c’est pour une raison : peu importe dans quelle équipe la personne se trouve, elle passe sa journée à parler avec tout le monde. Les Product Marketing Managers sont par essence un trait d’union.

Autre question classique : quelles sont les missions des Product Marketing Managers ? 

S. P.-F. : Difficile à dire car, chez Lucca, aucun·e PMM ne fait les mêmes choses ! Cela dépend en effet du cycle de vie de son produit : on a des solutions qui sont en phase de bêta et, à l’opposé, certaines qui existent depuis 15 ans.

C’est un conseil que je donnerais d’ailleurs à une personne qui veut postuler à un poste de PMM : avant de regarder la boîte, mieux vaut s’intéresser au soft sur lequel tu vas travailler. Et savoir ce qu’on va te demander de faire, s’il s’agit de la solution entière ou juste de certaines fonctionnalités, quel est le stade de maturité etc.

Après, il y a quand même des parties communes : 

  • la phase de discovery (analyse de la concurrence, échange avec les prospects et clients et la définition des fonctionnalités en lien avec le ou la PM…)
  • la phase de mise sur le marché (travail avec les account managers, mission de sales enablement, récupération des retours clients pour influencer la roadmap…)
  • la phase de croissance post Product market fit (formation des sales, vérification du positionnement et des messages, vision sur les prochaines fonctionnalités, analyse concurrentielle…)

À t’entendre, on voit qu’il y a beaucoup de similarités avec le rôle de Product Manager. Quelles sont, selon toi, les distinctions pour ne pas se marcher sur les pieds ?

S. P.-F. : C’est sûr que pour une personne qui ne connaît pas ses métiers, il est très facile de faire la confusion. 

Pour autant, il y a une chose qui est très claire : le product marketing est un rôle qui va intervenir une fois qu’il y a des PM. Je ne connais aucune boîte qui a embauché des PMM avant des PM ! C’est pour cela qu’il peut y avoir une confusion : il y a des missions des PMM qui étaient la plupart du temps gérées par des PM, avec plus ou moins de réussite, selon les affinités.

Je connais des PM qui sont de très bons PMM. Tu leurs demandes de faire un webinaire pour les Sales, ils viennent au quart de tour. Cela dépend de la fibre marketing du Product Manager. Marketing du produit mais également de lui-même d’ailleurs ! Alors que certains sont plus à l’aise avec la roadmap ou la technique. Avant d’être directrice du Product Marketing, j’étais PMM dans une équipe avec 4 PM. Et bien j’avais un fonctionnement différent avec chacun et chacune.

Pour moi, les PMM sont les bras armés des PM. On vient les décharger d’une grosse partie pour qu’ils puissent se concentrer sur le bon fonctionnement des fonctionnalités. Car ça, si eux ne le font pas, personne d’autre ne le fera !

Et concernant ton rôle dans l’élaboration de la roadmap ?

S. P.-F. : Je dirais qu’on murmure à l’oreille des PM, en les alimentant d’informations pour éclairer leurs arbitrages. Mais ce ne sont pas les PMM qui vont trancher, cela reste le rôle des PM.

Tu disais au début de l’entrevue que vous étiez un trait d’union entre les ventes et le produit. Concrètement, chez Lucca, peux-tu nous dire ce que les PMM ont apporté ?

S. P.-F. : Je dirais deux choses. La première, c’est sur toute la partie asset technique pour renforcer l’enablement à la fois des sales et des customer success. On a une solution, on a des gens qui doivent le vendre, mais ces derniers ont besoin de présentations, de fiches produit, de scénarios de démo… Qui s’occupe de tout ça quand les sales disent qu’ils ne connaissent par définition pas les nouveautés produit et que le produit leur répond qu’ils ne savent pas comment ils le vendent ? Les PMM mettent de l’huile dans les rouages.

La seconde concerne plutôt la partie rituelle. Un soft, ça se lance en grande pompe. Donc il faut créer de l’engouement autour de tout ce qui est nouveau. 

Un dernier mot sur le recrutement, étant donné la croissance rapide de l’équipe. Quelles compétences avez-vous scrutées en priorité sur ce rôle relativement nouveau dans les organisations ?

S. P.-F. : On regarde avant tout si la personne est passée par le business au préalable. Cela peut être aux ventes, au Customer Success, en faisant de l’outbound… C’est généralement un bon indice pour savoir si quelqu’un a la fibre commerciale et client. Car il ne faut pas avoir peur d’aller parler à des clients ou des prospects quand tu es PMM !

On aime bien également les profils qui ont eu des expériences techniques et en lien avec la culture produit. Enfin, comme on est une entreprise qui grandit vite après s’être longtemps autofinancée, on apprécie les personnes flexibles. C’est-à-dire qui ne vont pas rester attachées à une fiche de poste, sachant que leur métier va évoluer constamment.


Poursuis ta lecture avec les épisodes suivants de notre Collection « Product Marketing – Découvrir les fondamentaux » :