Après une première expérience de plus de 4 ans dans le marketing produit physique dans le Groupe Seb, Carlota Guëll est devenue Product Marketing Manager (PMM) de Agicap, une solution numérique de gestion de trésorerie. Avant de rejoindre, depuis trois mois, Decathlon Outdoor, pour travailler comme première PMM sur l’application qui propose des balades à pied et à vélo partout en France. Entrevue avec celle qui vient de lancer le podcast « Product Marketing Stories ».

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🔗 Cet article est l’épisode 6 de notre Collection « Product Marketing – Découvrir les fondamentaux »

Salut Carlota. Toi qui as toujours travaillé dans le marketing produit finalement, comment décrirais-tu le job, autant pour un produit tech que physique ?

Carlota Guëll : Je me suis rendue compte via mes expériences que l’essence et les objectifs du métier sont les mêmes. Dans tous les cas, j’étais impliquée sur :

  • L’étude de marché : qui sont nos concurrents, la segmentation cible, notre positionnement dans ce marché etc.
  • Le positionnement : comment on fait pour apporter sa valeur à l’audience cible et qu’elle en comprenne les bénéfices

 

  • Les lancements produit : la plus grosse différence se situe ici. Dans la tech, on a parfois des lancements produits toutes les deux semaines tandis que, dans le produit physique, les délais de développement sont plus longs. Mais on a besoin de définir les mêmes choses : le positionnement, à qui on va s’adresser, et donner envie aux gens d’utiliser le produit en diffusant les bons messages.

En résumé, en une phrase, je dirais que le rôle de Product Marketing Manager, c’est d’articuler la valeur du produit ou du service de manière à ce qu’elle résonne auprès de la cible visée.

« Je fais presque tous les rituels coté produit ET coté marketing » (Carlota Guëll)

Comment tu t’y prends pour y arriver ? 

C. G. : Quand j’étais chez Seb par exemple, on vendait des épilateurs électriques. Et quand tu vas dans une grande surface, il y a plein d’épilateurs similaires, dans le même rayon. Pour réussir à taper dans l’œil du client, le message est super important.

Au lieu de faire une comparaison des bénéfices fonctionnels avec des concurrents, j’ai fait une analyse de positionnement, pour comprendre comment ces derniers s’adressent aux clients et comment, nous, on doit prendre la parole. 

J’ai commencé par une étude qualitative puis quantitative sur le marché européen, pour savoir quels sont les points de douleur des femmes, qu’est ce qu’elles utilisent : des crèmes ? des épilateurs ? Quelle est la tendance par rapport à l’âge, la démographie, quelles sont les marques qui ressortent du lot et pourquoi, etc.

Une fois qu’on a cette connaissance du marché, on a pu positionner notre marque. On ne pouvait pas s’adresser à tout le monde, donc on s’est focalisé sur une cible jeune, qui utilisait de moins en moins l’épilateur électrique, pour renverser la tendance. 

On connaissait les “pain points” (notamment la douleur, les points rouges sur la peau après, le design pas toujours adapté aux envies de cette tranche d’âge…). On s’est dit que notre produit allait y répondre. On a fait une innovation produit, pour faire moins mal, et on a sorti une gamme de couleurs pep’s.

On a aussi travaillé les messages, que cela soit le packaging ou sur le site internet, pour s’adresser à cette cible plus jeune avec une tonalité moins sérieuse. On a fait des vidéos plus disruptives, qui montrent qu’on ne s’épile pas que dans la salle de bain. On s’est inspiré des codes du maquillage et du parfum. C’est très important d’aller voir au-delà de ses concurrents directs, d’autres produits que notre cible consomme également.

Ce travail, c’est mieux de le faire au sein de l’équipe produit ou en étant rattaché au marketing ?

C. G. : Cela dépend des enjeux de l’entreprise. Chez Agicap par exemple, j’ai commencé au produit car il y avait des besoins de discovery et en positionnement. J’ai donc accompagné les product managers sur ces sujets. Puis les enjeux et mes missions ont évolué par rapport aux objectifs business et prioritaires qu’on avait. Je suis alors passée au marketing où je dépendais de la CMO (Chief Marketing Officer). Les fonctionnalités arrivaient en delivery, donc j’étais concentrée sur la phase aval du métier de PMM : le go to market. Il fallait définir les contenus, les canaux de distribution, former les sales et les customer success, choisir les fonctionnalités proposées en upsell ou non, etc.

Aujourd’hui, chez Decathlon Outdoor, je suis dans l’équipe produit. Il y a deux product managers et un qui arrive bientôt, 1 PMM (moi), deux product designers et une head of product management.

Je trouve ça très bien, ça permet au PMM d’être plus proche de la roadmap, et de l’influencer, c’est valorisant. Ce n’est pas pour autant qu’on abandonne le marketing, on est à la croisée des deux. Je fais presque tous les rituels coté produit ET coté marketing. 

Chez Decathlon Outdoor, tu es la première Product Marketing Manager de l’équipe. Quelle est la première chose que tu as faite en arrivant ?

C. G. : J’ai animé un workshop de positionnement avec les product managers, product designers, une personne du support / animation de la communauté, et toute l’équipe marketing. Un vrai 360 degrés, essentiel, car chaque métier remonte des insights et problématiques différentes, et il faut intégrer tous les points de vue. 

Pour travailler le positionnement, on a pris comme base le framework d’April Dunford, une référence en positionnement.

Obviously Awesome – Positioning Workflow – April Dunford

L’idée super importante est de s’assurer que les équipes produits et marketing sont alignées sur la proposition de valeur, sur nos concurrents, et qu’il n’y ait pas d’incompréhension. Qu’on ne nous dise pas plus tard “c’est pas ça qu’on vend” ou “c’est pas ça qu’on veut mettre en avant”. 

Le livrable de cet atelier, c’est un deck d’une ou deux pages avec une description du produit, les bénéfices clés, les concurrents et la façon dont on parle du produit.

Le rôle d’un PMM quand il arrive dans une boîte est de formaliser toutes ces infos-là, mettre les différents métiers autour de la table pour arriver à ce que tout le monde soit à l’aise et aligné et, bien sûr, créer du lien entre les équipes.

L’application a un an. Tu penses que tu es arrivée au bon moment ou que c’était un peu tard ?

C. G. : Je ne suis pas sûre que ça aurait eu du sens que je sois arrivée plus tôt pour Decathlon Outdoor. Je pense qu’il faut qu’il y ait une première base produit. Le premier product market fit était trouvé, et l’étape suivante était de voir comment accélérer. On a prouvé que ça marche, on a vu qu’il y avait une vocation à l’international, dans ce cadre, le PMM prend tout son sens pour accélérer et permettre d’être fort sur la proposition de valeur. 

Visuel Decathlon Outdoor

Quand le PMM n’est pas là, le PM ou les équipes marketing fait ce travail, mais c’est toujours mieux quand c’est quelqu’un qui est expert du sujet. Surtout quand les équipes actuelles ne peuvent pas absorber le travail de positionnement, de contenus, le besoin d’avoir des réflexions sur le product market fit, de le repenser, de trouver un autre angle ou une autre proposition.

Quels sont les écueils quand on prend un poste de Product Marketing Manager justement ?

C. G. : L’un des principaux écueils, vu que le rôle est peu connu, est que des personnes qui sont dans la partie stratégique ne vont pas toujours voir la valeur ajoutée. On contribue au business, mais l’impact n’est pas super direct. 

C’est un peu l’image de l’iceberg : ce travail immergé qui va permettre d’être percutant et faire que les clients utilisent sur le long terme ton produit. Mais dans le monde aujourd’hui on veut de l’impact à court terme, d’où l’importance, quand on commence un nouveau poste, de choisir ses batailles pour livrer rapidement de la valeur.

Le deuxième enjeu : créer énormément de contenus produit (sales deck, newsletter, etc) mais ne pas étudier l’impact et pourquoi on le fait. On peut passer beaucoup de temps à créer du contenu mais, au final, on ne répond pas aux problématiques.

Quelles sont tes prochaines étapes chez Decathlon Outdoor ?

C. G. : Maintenant qu’on a travaillé le positionnement, on va faire un workshop sur les bénéfices qu’on veut mettre en avant, donc concrètement :

  • Quel message ? (copywriting) 
  • Comment on l’articule sur les contenus ? 

Ce workshop va se voir sur l’appstore : on va faire transpirer le positionnement partout, développer une vidéo sur le produit, mettre à jour les pages produit qu’on a sur le site, la stratégie de communication etc.


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