Le Product Marketing est une discipline en pleine émergence. Les Product Marketing Managers (ou Product Marketers) jouent un rôle de plus en plus central dans le positionnement et la commercialisation d’un produit. L’objectif de cet article ? Introduire les bases de cette fonction, en 5 points clés.

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✉️ Article issu du Ticket N°57

🔗 Cet article est l’épisode 1 de notre Collection « Product Marketing – Découvrir les fondamentaux »

mario et le product marketing

Ce que tu vas apprendre dans cet article sur les bases du Product Marketing :


1- C’est quoi le Product Marketing ?

Le Product Marketing, c’est l’ensemble des actions pour favoriser l’adoption d’un produit sur un marché, afin de répondre aux objectifs business de l’entreprise, selon la définition de Martina Lauchengco, l’autrice de LOVED, un des ouvrages de référence en la matière.

OK… et CONCRÈTEMENT, c’est quoi le Product Marketing ? “C’est faire le pont entre le produit et le business”, précise Mathieu Seguy, créateur et ex-directeur du département Product Marketing du cabinet de conseil Thiga. Un lien qui se fait dans les deux sens. 

“Notre rôle, c’est d’apporter de la connaissance marché au produit et d’apporter le produit sur le marché”, résume Lucie Casamitjana, Product Marketing Lead chez Skello et ex Product Marketing Manager (PMM) des licornes Qonto et Alan. 

Deux facettes donc : 

  • Influencer la conception du produit (amont de la chaîne de valeur)
  • Favoriser les ventes du produit (aval de la chaîne de valeur)

Soyons clair : si la première est variable selon les entreprises, la seconde, elle, est essentielle et justifie bien souvent la création du rôle.

Fonctionnalités vs. Bénéfices clients

Prenons l’exemple de l’éditeur de logiciels RH et admin Lucca, qui compte plus de 500 salariés. Sophie Peyrat-Forestier y crée en 2019 la direction des responsables de comptes clients afin de développer les ventes additionnelles (cross-sell et upsell). À ce titre, elle pilote beaucoup de lancements produit.

“Cela se passait très bien d’un point de vue business… mais c’était nettement plus compliqué en interne ! Notamment en termes de compréhension entre le produit et le business. J’avais l’impression d’être face à des interlocuteurs très techniques, qui restaient généralement trop centrés sur les fonctionnalités et pas assez sur nos besoins aux ventes”, confie-t-elle.

Ne détournez pas le regard les Product Managers : vous êtes dans le viseur ! Pour résoudre ce problème et mettre de l’huile dans les rouages, elle devient alors Product Marketing Manager. Lucca rassemble 14 solutions différentes et, rapidement, chaque équipe lève la main pour avoir, elle aussi, son ou sa PMM. “On permet de faire un trait d’union pour réduire les frictions. Ça marche tellement bien, pourquoi s’en priver !”, sourit Sophie, devenue depuis directrice du Product Marketing. De 2 PMM l’an passé, son équipe en compte 12 aujourd’hui ! 

L’histoire est sensiblement similaire pour Mathieu Seguy, quand il était dans l’entreprise Télécom Sewan en 2014.

“J’étais au produit et je me rendais compte que le marketing ou les ventes avaient du mal à parler et mettre en valeur ce que l’on faisait. Pour lutter contre cette frustration, j’ai pris une casquette Product Marketing en participant aux rendez-vous avec les Sales”, se remémore-t-il.

Le Product Marketing est un liant qui permet d’amener le produit encore plus loin commercialement parlant. Source : Thiga

Autrement dit, le Product Marketing permet de comprendre le produit avec une vision business. C’est-à-dire, par exemple, de “traduire” une fonctionnalité en un bénéfice client. Illustration avec cette très célèbre image de Super Mario.

D’un côté, tu as tes utilisateurs (ici, un petit Mario chétif). De l’autre, tu as ton produit (ici, une fleur qui donne des pouvoirs magiques). La mission des Product Marketers ? Transformer les deux en un narratif de vente : tu ne vends pas une fleur pixellisée, tu vends des super pouvoirs (genre lancer des boules de feu, être balèze – et avoir une salopette ocre un peu moche).

“Si l’on me demande ce que fait le product marketing, je dirais de manière très simple : nous savons comment vendre un produit, confirme Theresa Gschwandtner, directrice du Product Marketing chez Qonto. Quand je dis vendre, je ne dis pas simplement comment faire payer les clients. Mais plutôt comment favoriser l’adoption, l’upsell, la fidélisation… Comment faire en sorte que le client comprenne la valeur.”

“En une phrase, je dirais que le rôle de Product Marketing Manager, c’est d’articuler la valeur du produit de manière à ce qu’elle résonne auprès de la cible visée”, ajoute Carlota Guëll, PMM pour l’application Decathlon Outdoor.

2- Quelles sont les missions des Product Marketers ?

Après la vue globale de la discipline, passons aux tâches concrètes des Product Marketers (ou Product Marketing Managers si tu préfères… pour éviter la galère du double emploi de l’acronyme PM). 

Pas une mince affaire ! “Chez Lucca, aucun·e ne fait la même chose, prévient Sophie Peyrat-Forestier. Cela dépend en effet du cycle de vie du produit : on a des solutions qui sont en phase de bêta test et, à l’opposé, certaines qui existent depuis 15 ans.”

Pour résumer, servons-nous du framework de Mathieu Seguy. Chez Thiga, il s’est basé sur une petite centaine d’interviews avec des gens du produit pour définir les 3 grandes disciplines et 8 activités du Product Marketing :

1. Understand – La compréhension

  • La compréhension de l’écosystème : la concurrence, les tendances du marché, la réglementation etc.
  • La compréhension de ses acheteurs : définition d’un Profil de Consommateur Idéal (ICP) afin d’en déceler les motivations et voir à quel moment du cycle de vente ils interviennent

2. Shape – Le façonnage du produit

  • Le positionnement produit : définition de la place de son produit sur son marché et mise en valeur de ses éléments différenciants
  • Le pricing : Analyse du modèle économique au sens large, c’est-à-dire le modèle tarifaire, la fréquence de facturation, la conception des différents plans etc.
  • Le message : la transposition des fonctionnalités en bénéfices produit puis en bénéfices clients selon ses persona et faire en sorte que cela se reflète dans le ton du produit, les mails etc.

3. Execute – La mise sur le marché

  • Le Go-to-Market : la conception des plans de lancements comprenant toute la partie formation des commerciaux ou du support client et la promotion du produit en tant que tel
  • Le Go-to-Customer : la stratégie pour mettre le produit dans les mains des utilisateurs une fois qu’il est lancé. Tous les leviers pour favoriser son adoption et sa notoriété, que cela soit par des articles de blog, un product tour, un bon onboarding etc.
  • Les indicateurs – en transverse : les PM suivent des indicateurs d’usage, les PMM vont davantage se pencher sur la mesure de l’influence du produit sur les revenus de l’entreprise
Source : Thiga

“Il faut bien voir que c’est une vision théorique. Dans la pratique, tu ne vas peut-être pas avoir le mandat sur l’ensemble de ces éléments”, précise-t-il toutefois, citant l’exemple de Doctolib qui dispose d’une armée de Sales et d’une Sales Academy. Toute la partie formation du terrain et facilitation des ventes (en anglais Sales Enablement) n’est ainsi pas effectuée par les PMM.

Product Marketing Tactique VS Stratégique

Avant d’être chez Decathlon Outdoor, Carlota Guëll s’est occupée pendant plus de 4 ans de marketing de produits physiques au sein du groupe Seb. L’occasion de se rendre compte que, exceptée la durée des temps de développement, l’essence du métier restait la même. Et tournait, en résumé, autour de l’étude du marché, du positionnement produit et des lancements en tant que tels.

Une fonction qui comporte une vraie dimension stratégique tient à rappeler Theresa Gschwandtner :

“Ce que nous faisions lors de mon arrivée chez Qonto, ce n’était pas vraiment du product marketing, c’était très tactique. Les product managers venaient nous voir en disant : “J’ai cette fonctionnalité, j’ai besoin d’atteindre ce niveau d’adoption, est-ce que tu peux m’aider ?” Ce qui voulait dire faire des FAQ, mettre à jour les landing pages… Mais on peut être impliqué beaucoup plus en amont de la conception du produit !” Ce que l’on va voir tout de suite.

3- Comment travaillent ensemble les Product Managers et les Product Marketers ?

Creusons encore un peu plus profondément le quotidien des pros du Product Marketing en nous intéressant spécifiquement à la relation avec les Product Managers (média spécialisé du product management oblige).

En lisant les attributions des PMM précédemment, certains ou certaines PM ont pu se dire… que c’est déjà ce qu’ils faisaient ! À quoi bon faire appel au Product Marketing dans ce cas ?

“C’est sûr que si les Product Managers avaient l’habitude de beaucoup parler aux gens du business, le Product Marketing peut venir couper cette relation. Mais il faut être clair sur notre raison d’être : on n’est pas là pour prendre le boulot de l’autre mais pour l’aider à mieux le faire”, répond Mathieu Seguy.

“Notre rôle, c’est d’apporter de la connaissance marché au produit et d’apporter le produit sur le marché”Lucie Casamitjana

Ce constat est tout à fait normal selon Sophie de Lucca. Et pour cause : “Le product marketing est un rôle qui va intervenir une fois qu’il y a des PM. Je ne connais aucune boîte qui a embauché des PMM avant des PM ! Des missions classiques de PMM sont ainsi souvent gérées par des PM au début, avec plus ou moins de réussite, selon les affinités et leur fibre business”.

“Les PM peuvent tout à fait faire du Product Marketing. Mais est-ce que ce sont les personnes les mieux placées pour le faire ?”, se demande Lucie de Skello.

Sophie Peyrat-Forestier poursuit : “Pour moi, les PMM sont les bras armés des PM. On vient les décharger d’une grosse partie pour qu’ils puissent se concentrer sur le bon fonctionnement des fonctionnalités. Car ça, si eux ne le font pas, personne d’autre ne le fera !” 

Un avis partagé par Mathieu Seguy : “Si un·e PM fait très bien sa discovery et sa delivery, en vrai, il n’a pas vraiment le temps de faire autre chose. Généralement, de ce que j’ai vu, les PM sont plutôt soulagés quand le Product Marketing arrive. Car ils reconnaissent que les Go-to-Market sont souvent faits à l’arrache.” Comme dans toute industrie, à mesure qu’une discipline gagne en maturité, elle se spécialise progressivement.

Cette potentielle petite querelle de territoire désamorcée, regardons au sein du processus produit les différentes interventions du Product Marketing et ses interactions avec le reste de l’équipe produit.

Discovery : Un trio Product Marketing – Product Management – Product Design

Selon toutes les personnes interrogées, les Product Marketers doivent avoir leur rond de serviette durant les phases de Discovery. “On fait partie du trio avec le Product Management et le Product Design”, assure Theresa de Qonto. 

En théorie, les PMM participent par exemple aux entretiens utilisateurs.

“PM et PMM ont fondamentalement besoin des mêmes informations pour faire leur job : les insights du marché et des consommateurs. La différence, c’est que les uns s’en servent pour construire le produit tandis que les autres les utilisent pour établir le plan de mise sur le marché,” confie Martina Lauchengco, qui parle de “Yang du produit” VS “Yin du Go-to-Market”.

Sachant qu’ils ne vont pas chercher les mêmes informations lors de ces entretiens. “On va porter notre attention sur la sensibilité au prix, l’appétence à acheter le produit, le mode de consommation de l’acheteur, la douleur de la situation actuelle etc. C’est rare qu’on soit en lead, sauf pour des fonctionnalités liées au pricing,” indique Mathieu. 

L’idée étant de creuser la valeur à apporter aux utilisateurs et la façon de l’apporter… bien avant la conception même de la solution. Afin d’éviter de se retrouver avec une fonctionnalité finalisée… invendable et à côté de la plaque car ne répondant pas au bénéfice client attendu !

C’est en ce sens qu’il convient par exemple d’interpréter la 3e partie (Claim) du framework FOCUSED du livre Discovery Discipline, dont l’objectif est d’imaginer un positionnement narratif matérialisé par un tweet. On est ici clairement dans du Product Marketing. Chez Yousign, la discovery sert à étudier 4 risques principaux : utilisateur, produit, rentabilité et… commercialisation. Ce dernier risque étant évidemment la responsabilité des PMM.

“Si tu n’inclus pas de PMM dans la Discovery, tu ne sortiras jamais tes préférences utilisateurs. Tu sauras quel problème résoudre et comment y arriver, mais pas la manière de construire ta proposition de valeur,” résume Lucie. 

Des éléments qui peuvent paraître futiles, notamment pour les développeurs, comme le mentionne Theresa de Qonto. “Quand on passe à la conception technique, les ingés vont supprimer les choses dont nous avons besoin au product marketing, sous prétexte que c’est accessoire. Sauf que, pour nous, ce n’est pas le cas !” Elle sous-entend tous les types de leviers de découvrabilité pour que la fonctionnalité ne tombe pas dans l’oubli des paramètres du produit, comme un product tour ou un onboarding. 

« Le rôle de Product Marketing Manager, c’est d’articuler la valeur du produit de manière à ce qu’elle résonne auprès de la cible visée » – Carlota Guëll

Roadmap : Le Product Marketing pas garant mais influent

Cela est bien clair pour tout le monde : Product Marketing ou non, les Product Managers restent les garants de la roadmap du produit. “On murmure à l’oreille des PM, en les alimentant d’informations pour éclairer leurs arbitrages. Mais ce ne sont pas les PMM qui vont trancher, cela reste le rôle des PM”, confirme Sophie de Lucca.

Marion de Yousign voit vraiment cette relation comme une collaboration où chacun s’apporte mutuellement. 

“Quand on définit le naming, le positionnement, les différents canaux sur lesquels on va communiquer, ça se fait toujours avec les inputs des PM. Quand les PM et les designers travaillent sur les écrans de grosses fonctionnalités, on est mis dans la boucle pour input également. Chacun est owner de son spectre mais garde le droit de regard et de collaboration sur ceux des autres”, présente-t-elle.

Les Product Marketers ont généralement un avantage par rapport au reste des parties prenantes business: la connaissance de la culture produit. Pas d’injonction du type “Il faut à tout prix cette fonctionnalité pour conclure ce contrat”, comme pourrait le faire des commerciaux. “Nous intervenons en support pour donner du poids à la valeur business, en venant avec une liste déjà filtrée et priorisée de doléances du service client, du marketing, des ventes… Ce qui fait gagner du temps !”, explique Mathieu.

En ce sens, les PMM centralisent un peu la partie prenante business des PM, afin d’éviter que tout le monde viennent constamment toquer à leur porte et les submerger.

Lancement / Product Market Fit : Le Product Marketing en première ligne

Jusqu’à présent, on a surtout abordé l’influence du Product Marketing sur le produit. Dans la phase de Go-to-Market (mise sur le marché, si tu préfères), on passe essentiellement à l’influence sur les ventes et l’adoption du produit. Une partie cruciale qui décharge bien souvent le fardeau des PM.

“Je suis sûre que toutes et tous les PM n’ont pas le temps d’approuver chacune des publicités pour vérifier le positionnement, de lire chacun des textes liés au produit, de s’occuper de tous les briefs des commerciaux… C’est un sacré travail d’amener un produit sur un marché !”, énumère Martina Lauchengco.

Quand on demande à Sophie Peyrat-Forestier ce que le Product Marketing a apporté à Lucca, c’est l’un des premiers points qu’elle aborde. “On a une solution, on a des gens qui doivent le vendre, mais ces derniers ont besoin de présentations, de fiches produit, de scénarios de démo… Qui s’occupe de tout ça quand les Sales disent qu’ils ne connaissent pas, par définition, les nouveautés produit et que le produit leur répond qu’ils ne savent pas comment ils le vendent ?”

Ce que l’on appelle l’Enablement (la formation terrain auprès du support client, du marketing et des Sales), est d’ailleurs un rôle en soi chez Skello, au sein de l’équipe Product Marketing.

« Si l’on me demande ce que fait le product marketing, je dirais de manière très simple : nous savons comment vendre un produit » – Theresa Gschwandtner

Quel est le bon ratio PM VS PMM ? Chez Qonto par exemple, qui compte une des plus grandes équipes de PMM (16) dans la tech à notre connaissance, il y a 3 PMM pour 1 PM. “C’est encore un peu élevé mais je pense qu’il serait un peu excessif de viser le 1 PM pour 1 PMM. Dans notre secteur, il y a certaines fonctionnalités que l’on n’a pas vraiment besoin de “vendre”. Je pense à des obligations juridiques ou réglementaires, des changements techniques du système etc. Par ailleurs, il y a toute une partie du travail des PM, notamment en ce qui concerne la delivery et la QA, où l’on a moins besoin d’être en première ligne”, remarque Theresa.

4- Le Product Marketing : dans l’équipe Marketing ou Produit ?

Ah la fameuse question de la place du Product Marketing dans une orga… Mi produit mi marketing, pas facile de positionner ces mutants (les Tortues Ninja peuvent en témoigner). 

Selon les différentes études sur le sujet, que cela soit le dernier coup de sonde de LPC en France ou celui de Product Marketing Alliance aux Etats-Unis, le Product Marketing se situe dans 70 % des cas globalement côté marketing.

Avec son expérience très Product, Mathieu Seguy a une conviction forte : le Product Marketing doit être côté produit.

“Le biais d’être côté marketing, c’est de nous voir comme une usine à contenus, au service du marketing et des Sales. On risque ainsi de perdre le lien avec le produit et de se situer finalement très loin de la valeur”, argumente-t-il.

Autrement dit, de moins pouvoir exploiter sa facette d’influence sur la conception du produit, pour reprendre la distinction évoquée préalablement.

« Chacun est owner de son spectre mais garde le droit de regard et de collaboration sur ceux des autres » – Marion Ravut

Un avis partagé par Theresa qui a connu toutes les situations dans sa carrière : elle reportait au Chief Marketing Officer (CMO) chez Linkedin à New-York, au responsable des ventes chez WeWork à Londres et au Chief Product Officer (CPO) chez Qonto à Paris !

“Je l’ai vu chez Linkedin, l’être humain est par nature motivé par les objectifs qu’on lui fixe. Si tes objectifs d’équipe au marketing n’ont rien à voir avec le produit, tu ne vas pas t’y intéresser plus que cela. Car la personne qui décide de ton salaire, de tes promotions et de tout le reste, c’est le CMO. Donc tu dois justifier des KPI en rapport avec ses enjeux à lui”, remarque la leader Autrichienne.

Début 2022, le Product Marketing passe du marketing au produit chez Yousign. Un changement qui se matérialise par l’élargissement du périmètre d’action. “On était très orienté delivery auparavant, principalement sur le Go-to-Market. Désormais, on est impliqué dès le début de la Discovery ce qui permet d’avoir un impact stratégique plus fort”, témoigne Marion.

Product-led VS Sales-led : une différence pour le Product Marketing

Lucie Casamitjana a, elle aussi, connu deux situations : côté Chief Revenue Officer chez Alan et côté CPO chez Qonto. Elle confirme sa préférence personnelle pour être dans l’équipe produit :

“Ce que tu observes, c’est que plus le PMM devient mature, plus il remonte la chaîne de valeur et devient full stack, plus il doit être dans l’équipe produit. C’est plus difficile, quand tu es loin de la valeur, d’apporter de la connaissance marché au produit et de collaborer sur de la discovery”.

Mais elle nuance son propos : c’est en réalité très lié à la stratégie de la boîte et à la mission ainsi confiée au Product Marketing. Si l’entreprise est très centrée produit (Product-Led) et que ce dernier est simple à comprendre, comme c’est le cas chez Qonto, il semble pertinent d’être côté produit.

Si l’entreprise est plus tirée par les ventes (Sales-Led), mieux vaut se situer côté Business. “Chez Alan, il y avait de gros enjeux de Sales Enablement. Cela n’avait aucun sens d’être côté produit, c’était trop éloigné du besoin que j’étais en train de résoudre”, conclut Lucie, qui, chez Skello a mis en place une structure hybride. Son équipe est côté produit et rassemble 3 PMM ainsi que 3 personnes spécialisées en enablement, du fait des forts besoins de formation interne.

“Le biais d’être côté marketing, c’est de nous voir comme une usine à contenus, au service du marketing et des Sales. On risque ainsi de perdre le lien avec le produit et de se situer finalement très loin de la valeur”Mathieu Seguy

Pour Sophie de Lucca, la véritable question à se poser est : où est-ce que l’information bloque ?

“Chez nous, elle avait du mal à partir de l’équipe produit, qui, même avec un mégaphone, n’arrivait pas à toucher grand monde. D’où ce besoin d’avoir une aide. Mais si on avait eu du mal à diffuser en externe ce que fait le produit, il aurait été plus intéressant de l’envisager côté marketing”, explique celle dont l’équipe reporte au produit.

Avant d’apporter une précision importante : “Peu importe dans quelle équipe la personne se trouve, elle doit passer sa journée à parler avec tout le monde. Les Product Marketing Managers sont par essence un trait d’union.” Carlota participe ainsi à tous les rituels côté produit ET côté marketing.

“On est un rond point avec 4 entrées : le produit, les Sales, le support client et le marketing”, illustre Lucie.

5- Product Marketing : Quelles compétences ?

Un dernier point rapide qui intéressera les personnes qui veulent devenir Product Marketer ou en recruter dans leur boîte. Sachant qu’il existe très peu de formations encore sur le sujet et que ces profils sont très rares sur le marché. “Mon équipe RH me dit souvent que je recherche un “mouton à 5 pattes” (NDLR : en français dans le texte) !”, rigole Theresa. 

Il faut en effet avoir une appétence à la fois pour le produit et le marketing. Mais un marketing à la teinte plutôt business et contact avec les acheteurs.

“On a beaucoup de personnes qui postulent avec des expériences en marketing numérique. J’exagère volontairement, mais il y a une différence énorme entre savoir lancer des campagnes sur Facebook et partir d’une situation complexe pour la transformer en positionnement produit compréhensible par tous. Ce ne sont pas du tout les mêmes compétences requises”, juge Theresa.  

Un avis partagé par Sophie : “On regarde avant tout si la personne est passée par le business au préalable. Cela peut être aux ventes, au Customer Success, en faisant de l’outbound… C’est généralement un bon indice pour savoir si quelqu’un a la fibre commerciale. Car il ne faut pas avoir peur d’aller parler à des clients ou des prospects quand tu es PMM !”

« Les PMM sont les bras armés des PM. On vient les décharger d’une grosse partie pour qu’ils puissent se concentrer sur le bon fonctionnement des fonctionnalités. Car ça, si eux ne le font pas, personne d’autre ne le fera ! » – Sophie Peyrat-Forestier

Les personnes interrogées ont d’ailleurs plutôt un bagage commercial ou marketing au préalable. Mais, toujours, avec un attrait vers le produit et la technique. “J’ai commencé ma carrière dans les ventes. Mais j’ai toujours été obsédée par le produit. Jusqu’à ce qu’un jour, une personne chez Linkedin me dise : tu es la vendeuse la plus ennuyeuse à toujours parler produit… tu devrais faire du product marketing !”, se souvient Theresa

Lucie, ancienne marketing IT chez GRDF, découvre pour sa part ce métier… en entretien d’embauche chez Qonto, alors qu’elle postule plutôt pour un poste au marketing ! “En discutant avec la VP People, elle me dit : “Mais en fait, toi tu fais du Product Marketing !” Sans le savoir, elle venait de mettre un nom sur le métier qu’elle voulait faire. Et se rend compte que c’est le cas pour beaucoup de personnes quand elle organise le 1er Meetup sur le sujet en France, le 12 septembre 2019.

Gare au Product Marketing fourre-tout

L’acquisition de la culture produit, peut, elle, se faire sur le tas, surtout si le poste est situé dans le giron du ou de la CPO. “J’ai dû apprendre rapidement le vocabulaire en notant tous les mots employés que je ne connaissais pas. J’ai aussi mieux compris le fonctionnement d’une roadmap, en voyant ce qui avait été décidé ou écarté. Participer à tous les daily meetings et les rituels m’a permis de me mettre rapidement dans le bain”, indique Sophie à propos de son “rattrapage” chez Lucca.

Sachant que les Product Marketers sont en soi des profils généralistes : on ne leur demandera généralement ni de lancer une campagne SEO ou d’acquisition publicitaire (attribution du marketing) ni d’écrire une User Story (celle des PM). « Lors d’un Go-to-Market, on va donner au marketing l’audience, le positionnement, les messages clés. Et eux, en tant qu’experts des canaux, le paid, le SEO, les réseaux sociaux, vont gérer la distribution”, illustre par exemple Marion de Yousign.

Lucie conseille aussi de prêter une grande attention aux soft skills, notamment l’énergie et la bonne humeur communicative de la personne.

C’est hyper énergivore comme métier. Ton rôle, c’est en effet de créer le FOMO autour de ton produit. De faire en sorte que les Sales soient trop chauds pour le vendre, que le marketing ou les CSM aient envie de s’y investir…”

Attention toutefois à bien analyser les fiches de poste, tellement l’étendue du rôle peut être vaste… et qu’il jouit d’une petite hype au sein de l’écosystème actuellement, pouvant se traduire par un effet fourre-tout. “Le rôle de PMM peut être radicalement différent d’une entreprise à l’autre, dépendamment du secteur d’activité, de la taille de l’entreprise, de la maturité du produit, du rattachement à la fonction produit ou marketing etc,” prévient Theresa. 

“Il faut bien savoir lire entre les lignes car on voit de tout : faire des événements, du contenu, de la Growth… En fait, il faut regarder s’il y a des mandats sur le produit ou si c’est juste un poste de Marketing Manager dédié à un produit”, recommande Mathieu.

Rassurons-nous, cela n’est pas propre à notre écosystème. Martina Lauchangco nous confiait l’an passé : “Bien que le product marketing existe depuis plusieurs années aux Etats-Unis, sa conception reste encore très confuse et je dirais qu’environ 10 % des entreprises en font de la bonne façon.” Quand on se regarde, on se désole; quand on se compare, on se console.


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